Cet article est paru dans Le Temps du 08.07.2024.
Le 24 septembre, le peuple sera appelé à voter sur la réforme de la LPP. Si le sujet est complexe et que les fronts semblent irréconciliables, il faut garder à l’esprit que ce projet vise essentiellement à renforcer l’épargne collective des bas revenus. Grâce à la performance d’investissement des montants ainsi accumulés, ceux-ci pourront voir leur rente augmenter sensiblement.
La performance est le plus important contributeur aux rentes
Au cours des dernières années, la contribution des marchés des capitaux a été un élément essentiel pour le 2ème Pilier. En effet, rien que l’année dernière, les marchés ont contribué pour plus de 58 milliards de francs net de frais aux actifs des caisses de retraite. Et depuis 20 ans, la performance d’investissement a apporté plus de 500 milliards de francs aux fonds de pension suisses, ce qui représente près de 100’000 francs par assuré ! Ainsi, depuis 2004, avec une part cumulée de 38% du total, la performance dépasse la contribution des employeurs (36%) et celle des employés (26%)[1].
Des résultats qui évitent de recourir à l’impôt
Cela signifie que sans cet apport des marchés, les entreprises et les salariés suisses auraient dû augmenter de près de 50% leurs contributions pour maintenir les prestations au même niveau. Ou alors, cela aurait été à l’Etat de verser au moins 25 milliards de francs par an au 2ème Pilier. C’est ce qui se produit avec l’AVS, qui, du fait de son système de répartition immédiate des cotisations aux retraités, n’a pas la possibilité de générer une rentabilité significative sur ses investissements.
L’asset management suisse crée de la valeur
Ces bons résultats sont rendus possibles par la qualité de la gestion d’actifs en Suisse. Gérant plus de 3 trillions de francs d’actifs, dont près de 45% pour les caisses de prévoyance du 2ème Pilier, cette industrie représente plus de 58’000 postes de travail. La Suisse se place ainsi devant l’Allemagne en 3ème position du classement européen de la gestion d’actifs. Il s’agit d’ailleurs d’une industrie d’exportation très compétitive au niveau international, puisque l’Asset Management suisse exporte près de 30% de sa « production », sous forme de services à des clients étrangers.
Les caisses qui paient le plus performent mieux
Alors qu’ils sont souvent pointés du doigt, les frais de gestion ne nuisent en réalité pas à la performance, bien au contraire. En effet, une analyse des rapports annuels de fonds de pension disponibles montre que les caisses de retraite qui ont obtenu les meilleurs résultats nets de frais sur 5 ans sont aussi celles qui ont payé les frais les plus élevés. Par exemple, la caisse de pension de la Ville de Zurich a obtenu sur la période une performance moyenne de 24.66% avec des coûts totaux de 0.8% tandis que la caisse fédérale Publica, qui, si elle n’a payé que 0.19% de frais, a dû se contenter d’une performance moitié moindre de 11.41%.
Source: AMAS
Ces résultats contredisent l’idée véhiculée par certains partis que l’industrie de la gestion institutionnelle capture une part trop importante des flux de retraite au travers des frais de gestion. La seule mesure valable du succès est la performance nette des coûts de gestion (bien évidement ajustée au risque) et se focaliser uniquement sur un côté de l’équation nous fait perdre de vue l’objectif global, qui est la maximisation des résultats financiers sur le long terme dans l’intérêt des assurés.
La réforme de la LPP profitera directement aux bas revenus
Pour revenir à la réforme de la LPP votée en septembre, si elle cherche à en améliorer le financement, elle vise surtout à renforcer l’épargne collective des plus bas revenus. En effet, l’augmentation de la part de salaire assurée et l’abaissement du seuil d’entrée sont deux mesures qui vont spécifiquement dans ce sens, ce qui permettra d’améliorer leur participation à la performance des marchés. De fait, uniquement grâce à l’effet des marchés, une personne ayant un salaire annuel de 25’000 francs pourrait voir sa rente augmenter de 200 francs par mois[2].
Compenser la nécessaire baisse du taux de conversion
La baisse du taux de conversion prévue dans le projet – et donc la diminution des rentes – reflète les évolutions démographiques de la Suisse. En effet, depuis la dernière modification de ce taux en 2005, l’espérance de vie à la retraite a continué à augmenter. S’il s’agit en soi d’une bonne nouvelle pour la population, cela pose des problèmes de financement évidents. Ce phénomène a été exacerbé par la baisse structurelle des taux d’intérêt. Aujourd’hui le taux de conversion actuel de 6.8% implique un rendement « garanti » de 5%, ce qui est largement supérieur aux taux du marché. La baisse à 6% prévue par le projet implique que ce même taux passe à 3.75%, ce qui reste très optimiste dans l’environnement actuel.
Comment répondre à l’allongement de la longévité et à la baisse des taux
Pour compenser cette baisse du taux de conversion et donc maintenir les rentes, il serait donc intéressant d’adopter des mesures permettant d’améliorer la contribution de la performance des marchés. En particulier, une attention spécifique pourrait être portée à la gouvernance des fonds de pension et à leur capacité à utiliser la totalité de leur budget de risque dans leur politique d’investissement. A cet égard, force est de constater que la part accordée aux actions reste depuis 2013 à 28.9%[3], soit bien au-dessous de la limite légale de 50%. La même observation peut être faite pour l’alternatif et les investissements en infrastructure.
[1] Office fédéral de la statistique, Statistique des caisses de pension.
[2] Source : AMAS, Office fédéral de la statistique. Salaire de CHF 25’000.-/an au minimum LPP, pour des cotisations sur la totalité de la vie active aux nouvelles conditions.
[3] Source: Office fédéral de la statistique