Building Bridges nous a offert des débats de qualité

En octobre, nous avons sponsorisé la 3e édition de la conférence Building Bridges à Genève. Cette manifestation vise à faire progresser la finance durable en Suisse et à mettre en contact les mondes de la finance et des organisations internationales, ainsi que les gouvernements.

L’événement a lieu à un moment intéressant, puisque l’investissement durable fait face à de grands défis. En effet, la réglementation réclame une clarification de ce qui peut être qualifié de « durable » et incite à une plus grande transparence de la part des fonds qui se disent durables justement. Dans le même temps, les menaces de greenwashing n’ont jamais été aussi présentes.

Dans ce contexte, il est d’autant plus important de pouvoir se réunir et débattre de ces sujets. La participation, tout au long des 4 jours qu’a duré l’événement, a été de grande qualité et les discussions de haut niveau. Nous avons vu une réelle franchise dans les propos. Les préoccupations sur une certaine lassitude de l’ESG et sur le risque de greenwashing ne sont plus tabou. Le vice-président de Blackrock, Philip Hildebrand, a d’ailleurs admis, en parlant du changement climatique, que « nous ne pouvons pas régler ce problème en tant qu’industrie… nous ne pouvons qu’être un catalyseur ». D’aucuns dans l’assemblée l’ont certainement regretté.

L’une des présentations les plus remarquables par sa candeur portait sur les difficultés d’obtenir des données fiables pour mesurer l’un des indicateurs les plus utilisés quand on parle de durabilité : les émissions de carbone. Quand on y regarde de plus près, la liste des surprises est longue. Erreurs dans les méthodologies. Périmètres flous : certaines entreprises incluent des nouvelles acquisitions, d’autres pas ; certains reportings portent sur des opérations nationales alors que d’autres prennent en compte des opérations internationales. Seules 40 % des entreprises qui déclarent leurs émissions font vérifier leur rapport par un tiers. Quand les données ne sont pas disponibles – soit parce que les entreprises ne les mesurent pas ou qu’elles ne divulguent pas – les data providers utilisent des projections qui se superposent à des approximations.

Alors que l’on peut douter de l’exactitude de ce type de données, de nombreux acteurs continuent de demander davantage encore données pour démontrer la durabilité des fonds.

Pour nous, ce genre de débats est précieux et démontre la pertinence d’une conférence telle que Building Bridges. Ces discussions et échanges de points de vue, y compris avec des représentants extérieurs à la communauté financière, permettent de questionner l’efficacité des stratégies et des produits dits « durables ».

LE RISQUE CLIMATIQUE

En 2015, Mark Carney a prononcé un discours intitulé « La tragédie de l’horizon ». Il y relevait que, malgré la prise de conscience croissante de l’impact de l’homme sur le climat et des conséquences potentiellement catastrophiques du changement climatique, nos actions pour y remédier étaient totalement insuffisantes. Selon lui, ce manque de réaction tient au fait que « les impacts catastrophiques du changement climatique seront ressentis dans un horizon temps trop éloigné « .

Lors de la conférence Building Bridges de cette année, Mark Carney a de nouveau pris la parole. Il semble bien que cet horizon se soit rapproché. En effet, l’année 2022 a été marquée par d’importantes perturbations climatiques : des vagues de chaleur record ont frappé de nombreux pays alors que des inondations et des sécheresses intenses ont affecté les populations, les chaînes d’approvisionnement et la production d’énergie dans le monde entier. La guerre en Ukraine raccourcit encore le calendrier de la transition car les systèmes énergétiques sont poussés plus agressivement à s’éloigner des combustibles fossiles (afin de limiter la dépendance énergétique vis-à-vis de la Russie notamment).

Les débats sur la qualité des données ESG ou sur l’efficacité des méthodologies retenues semblent bien dérisoires au regard des montants colossaux (de l’ordre des milliers de milliards) qui devront, nul doute, encore être consacrés aux solutions climatiques.

Chez Quaero Capital, nous nous sommes engagés à continuer de concevoir et de lancer des nouveaux fonds axés sur ce thème (voir communiqué de presse de notre dernier lancement). Plus de 39% de nos actifs sous gestion sont investis dans des fonds qui mettent l’accent sur les solutions liées au changement climatique. Nous pensons que c’est là que les gérants d’actifs peuvent vraiment faire la différence.

La COP27 se tiendra en novembre en Égypte, avec la même intensité que la dernière COP, mais en mettant davantage l’accent sur le débat relatif aux « pertes et dommages ». Les pays en développement ont besoin de soutien financier pour faire face aux catastrophes climatiques ainsi que pour atténuer le changement climatique et s’y adapter. Le monde est aux prises avec des défis politiques, économiques et sociaux, et la COP27 doit maintenir l’attention des gouvernements mondiaux sur la crise climatique.

GREENWASHING

Les préoccupations liées au greenwashing ont augmenté de manière significative dans l’industrie financière et au-delà. La réglementation actuellement en vigueur ne peut que partiellement empêcher ces abus. Les conférences telles que Building Bridges devraient permettre aux acteurs que nous sommes de débattre et d’aborder ces préoccupations de front. Or, le risque est que ces conférences servent de plateforme pour la vente et la promotion des produits financiers. Nous aimerions qu’à l’avenir certains éléments de la conférence ne soient accessibles qu’aux acteurs du secteur et non aux clients, afin de réduire le niveau de promotion (et la tentation de verser dans la surenchère et le greenwashing) et de privilégier collaboration et apprentissage collectif.

Même au sein de conférences comme Building Bridges ou la COP27, on n’est pas à l’abri du greenwashing. C’est un mal sournois qui peut décrédibiliser les acteurs et lasser les investisseurs.

Restez vigilants.