Election de Joe Biden: un point d’inflexion positif majeur pour l’infrastructure et les énergies propres

La victoire de Joe Biden à l’élection présidentielle américaine représente un point d’inflexion positif majeur pour nos deux stratégies en infrastructure cotée et en énergies propres.

En effet, outre son engagement de rejoindre immédiatement les Accords de Paris sur le Climat, que les États-Unis ont quitté le 4 novembre à la demande de Donald Trump, le président-élu a prévu un plan de USD 3’000 milliards en faveur de l’infrastructure durable et des énergies propres.

LE PLAN BIDEN

Le plan du futur Président des États-Unis (« The Biden Plan to Build a Modern, Sustainable Infrastructure and an Equitable Clean Energy Future”), s’articule autour de 5 axes principaux :

1. Moderniser l’infrastructure

Le programme de Biden prévoit une profonde modernisation de l’infrastructure afin de la rendre plus propre, plus sûre et plus robuste. Le plan s’intéresse notamment aux routes « intelligentes », aux systèmes d’approvisionnement en eau, aux réseaux de transport municipaux, aux écoles, aux aéroports, aux chemins de fer, aux ferries, aux ports, ainsi qu’à l’accès universel à l’internet à haut débit.

Similaire au du plan Trump, annoncé il y a plus de quatre ans mais qui n’a jamais vu le jour, il prévoit une transformation majeure des infrastructures de transport américaines, qui sont en train de s’effondrer, notamment les routes et les ponts, le rail, l’aviation, les ports et les voies navigables intérieures.

En outre, le Président élu Biden aimerait déclencher la deuxième grande révolution ferroviaire, afin que les États-Unis disposent du système ferroviaire le plus propre, le plus sûr et le plus rapide du monde, tant pour les passagers que pour le fret. Il s’agirait notamment de collaborer avec Amtrak et les sociétés privées de transport de marchandises par rail pour électrifier davantage le système ferroviaire, réduisant ainsi les émissions liées au diesel.

Biden veut élargir le réseau de transports publics, afin d’offrir d’ici 2030 des transports publics de qualité à tous les Américains habitant des villes de plus de 100 000 habitants. De plus, son plan aidera les municipalités à investir dans les infrastructures pour les piétons, les cyclistes et les conducteurs de trottinettes électriques et autres véhicules de micro-mobilité, ainsi qu’à intégrer des technologies telles que l’optimisation par intelligence artificielle des feux de circulation.

L’eau potable propre et sûre sera une priorité et des investissements seront réalisés pour la maintenance des canalisations d’eau et des réseaux d’égouts, le remplacement des tuyaux en plomb, la modernisation des stations d’épuration et l’intégration de technologies de contrôle de l’efficacité et de la qualité de l’eau.

Le plan prévoit d’étendre le haut débit, ou le haut débit sans fil via la 5G, à tous les Américains : le haut débit universel est considéré comme une nécessité de longue date et comme un élément essentiel d’une réussite économique largement partagée.

De manière imaginative, le plan prévoit l’assainissement et le réaménagement des friches industrielles abandonnées et sous-utilisées, des anciennes centrales électriques et installations industrielles, des décharges, des mines abandonnées et d’autres biens communautaires inutilisés, qui seront transformés en nouveaux centres économiques pour les communautés de toute l’Amérique.

2. Faire de l’industrie automobile US un leader mondial des véhicules électriques

Biden veut positionner l’industrie automobile américaine comme le leader mondial de la fabrication de véhicules électriques et de leurs matériaux et pièces détachées. Pour ce faire, il entend réaliser des investissements publics importants dans les infrastructures automobiles – notamment avec l’installation de 500 000 stations de recharge pour véhicules électriques – afin de créer des emplois dans les industries qui soutiennent l’électrification des véhicules.

L’accent sera mis en particulier sur la technologie des batteries, pour une utilisation dans les véhicules électriques et sur le réseau, en complément de technologies comme le solaire et l’éolien. Un nouvel objectif sera notamment fixé pour tous les nouveaux bus construits aux États-Unis : zéro émission d’ici 2030, et des normes ambitieuses d’économie de carburant seront établies.

3. Atteindre 100% d’énergie neutre en carbone d’ici 2035

L’administration Biden cherchera à aboutir à ce que le secteur de l’énergie ne génère plus de pollution par le carbone d’ici 2035. Cela implique de mobiliser un investissement historique dans l’efficacité énergétique, l’énergie propre, les systèmes électriques et les infrastructures de lignes qui facilitent l’électrification des transports, ainsi que de nouvelles infrastructures de stockage par batterie et de transmission permettant de résoudre les problèmes de goulets d’étranglement et de libérer tout le potentiel d’énergie propre des États-Unis.

Pour ce faire, il faudra tirer parti des percées déjà réalisées dans le domaine des énergies renouvelables distribuées et à grande échelle, sur terre et en mer. En outre, les incitations fiscales existantes seront revues et étendues, des mécanismes de financement innovants seront développées afin de tirer parti des fonds du secteur privé pour maximiser les investissements dans la révolution des énergies propres et une nouvelle norme d’efficacité énergétique et d’électricité propre technologiquement neutre sera établie.

Enfin, des investissements seront réalisés dans la recherche et des incitations fiscales seront mises en place afin de favoriser des technologies qui capturent le carbone puis l’utilisent ou le stockent de façon permanente, notamment en réduisant le coût de la modification des centrales électriques existantes pour le captage du carbone. Biden veut également d’ici une décennie développer l’accès à l’hydrogène vert au même coût que l’hydrogène conventionnel – en fournissant une nouvelle source de carburant propre pour certaines centrales électriques existantes.

4. Améliorer drastiquement l’efficience énergétique des bâtiments

Le programme de Biden comprend un plan de modernisation de 4 millions de bâtiments commerciaux. Des rabais directs en espèces et des financements à bas coût pour améliorer et électrifier les appareils électroménagers, installer des fenêtres plus efficaces et réduire les factures d’énergie des ménages sont ainsi prévus.

Biden va également étendre de manière significative ses efforts de protection contre les intempéries, atteignant plus de 2 millions de foyers en 4 ans. Un autre programme consistera à lancer un vaste effort national pluriannuel afin de moderniser les écoles et les établissements d’enseignement préscolaire du pays. Enfin, Biden veut stimuler la construction de 1.5 million de maisons et de logements sociaux pour faire face à la crise du logement abordable.

5. Investir massivement dans l’innovation sur les énergies propres

Biden veut créer l’Advanced Research Projects Agency on Climate (ARPA-C), une nouvelle agence transversale destinée à cibler des technologies abordables et disruptives afin d’aider l’Amérique à atteindre son objectif de 100% d’énergie propre. Parmi ces technologies, on peut citer :

  • le stockage d’électricité à l’échelle du réseau entier à un dixième du coût des batteries lithium-ion
  • des centrales nucléaires avancées, plus petites, plus sûres et plus efficaces, pour un coût de construction deux fois moins élevé que celui des réacteurs actuels
  • la réfrigération et la climatisation utilisant des réfrigérants sans impact sur le réchauffement planétaire
  • des bâtiments neutres en énergie et à coût net nul, notamment grâce à des percées dans le domaine des matériaux, des appareils et de la gestion des systèmes intelligents
  • l’utilisation des énergies renouvelables pour produire de l’hydrogène sans carbone à un coût inférieur à celui de l’hydrogène provenant du gaz de schiste, grâce à l’innovation dans des technologies telles que les électrolyseurs de nouvelle génération
  • la décarbonisation de la chaleur industrielle nécessaire à la fabrication de l’acier, du béton et des produits chimiques, et la réinvention de matériaux de construction neutres en carbone
  • la décarbonisation du secteur de l’alimentation et de l’agriculture, et la mise à profit de la recherche sur la gestion des sols, la biologie des plantes et les techniques agricoles pour éliminer le dioxyde de carbone de l’air et le stocker dans le sol
  • la capture du dioxyde de carbone par des systèmes de captage direct de l’air et la modernisation des systèmes d’évacuation des industries et des centrales électriques existantes, suivie de son stockage permanent dans les profondeurs du sous-sol ou de son utilisation pour fabriquer des produits de substitution comme le ciment.

Implications pour les sociétés d’infrastructures cotées

Le plan Biden pour la modernisation de l’infrastructure constitue naturellement un facteur de soutien important pour les investissements du fonds. Parmi les secteurs qui auront le vent en poupe, on peut citer les sociétés actives dans la construction d’infrastructures, les opérateurs européens d’autoroutes à péage possédant des actifs aux USA, les entreprises développant des projets d’énergies renouvelables, les principales sociétés de chemins de fer, les sociétés de distribution d’eau, les réseaux téléphoniques et les entreprises d’infrastructure télécom.

Actuellement, le montant à investir est estimé à USD 3 000 milliards sur une période de dix ans. Si la moitié de cette somme est fournie par le secteur privé, USD 150 milliards par an seraient nécessaires de la part du gouvernement fédéral. Étant donné que la proposition actuelle pour le plan de relance post-COVID serait d’environ USD 300 milliards au cours de sa première année, la moitié de cette somme pourrait être investie dans les infrastructures. Bien sûr, cela dépend de l’approbation du Congrès, et si le Sénat reste aux mains des Républicains, c’est un plan d’infrastructure très différent qui pourrait voir le jour. Il ne faut pas oublier qu’il y a quatre ans, un projet de loi sur les dépenses d’infrastructure de USD  1’500 milliards était considéré comme essentiel et urgent, et susceptible de recueillir le soutien des deux partis, mais il n’a jamais vu le jour en raison de luttes intestines entre les deux partis. C’est le problème des plans d’infrastructure gouvernementaux dans toutes les démocraties du monde. Ils deviennent les victimes de la politique.

Si des parties importantes de ce plan se concrétisent, cela ne signifie pas des avantages immédiats pour les actions des sociétés dans le domaine des infrastructures. En effet, il faut rappeler qu’il n’existe pas d’aéroports, de ports ou de sociétés d’autoroutes à péage cotés en bourse aux États-Unis. Il n’y a que quatre grandes compagnies de distribution d’eau cotées en bourse. Cependant, il existe de très nombreuses entreprises cotées dans les secteurs de l’énergie, des communications et du fret ferroviaire en Amérique du Nord. Les secteurs d’infrastructure cotés qui pourraient bénéficier de ce plan comprennent les sociétés de construction d’infrastructures, les opérateurs européens de routes à péage tels que Ferrovial qui ont des actifs aux États-Unis, les sociétés américaines et étrangères (principalement européennes) qui développent des projets d’énergies renouvelables, les grandes compagnies de chemin de fer américaines et canadiennes, les compagnies des eaux cotées, les réseaux téléphoniques et les sociétés d’infrastructure de télécommunications.

implications pour les entreprises actives dans les énergies propres

Outre le soutien apporté par les engagements du plan Biden en faveur des énergies propres, la transition énergétique se trouve également sur un point d’inflexion marqué par les nouveaux enjeux du dernier rapport de l’Agence Internationale de l’Energie qui valide la baisse des coûts de production des énergies renouvelables. Les progrès technologiques,  ainsi que la baisse du prix des parties de la chaîne de valeur contribuent à faire baisser de façon significative les coûts de l’écosystème renouvelable.

Les valeurs du secteur profitent donc pleinement de ce tsunami vert, à l’image de la valorisation de NextEra (le plus gros producteur d’énergie renouvelable au monde), qui vient de dépasser en bourse la capitalisation des géants ExxonMobil et Chevron, en passe d’être « fossilisés ».