En matière d’énergie propre, les entreprises avancent plus vite que les gouvernements

L’investissement durable continue de progresser. L’appétit des investisseurs pour le durable incite les entreprises à changer leurs pratiques, voire à remédier à des problèmes de société. Si certains comportements frisent le greenwashing, il est un domaine où les entreprises donnent le ton : la transition vers les énergies propres.

Les entreprises doivent-elles se substituer aux gouvernements ?

Alors que l’attention portée à la durabilité des entreprises devient de plus en plus pressante, d’aucuns soutiennent que ce n’est pas à elles de s’attaquer aux problèmes de la société, mais plutôt aux gouvernements et aux régulateurs. Par ailleurs, de vrais sceptiques de la durabilité estiment que la plupart ne font mine de se préoccuper de la durabilité que pour redorer leur image. Ces bonnes intentions affichées ne seraient ainsi qu’un exercice de relations publiques et essentiellement une démonstration éclatante de greenwashing. Le Wall Street Journal a d’ailleurs publié début février une série d’articles défendant ce point de vue. Selon le journal, l’engouement quasi-frénétique que l’on constate actuellement pour l’ESG détourne l’attention du public de la responsabilité qui devrait revenir aux gouvernements de taxer et de réglementer ce que la société considère comme bien ou mal.

Pour un journal américain, cette position est étonnante (voire risible) compte tenu de la politique bipartisane tendue de ces dernières années aux États-Unis, sans parler de la longue liste de pays où on assiste sans réagir à la dégradation des ressources environnementales et à des situations plus que problématiques sur le plan des droits humains. Par ailleurs, cette notion ne reconnait pas non plus l’impact positif important que les entreprises ont de fait sur le terrain, indépendamment des régimes fiscaux ou réglementaires.

De plus en plus, les entreprises financent elles-mêmes leurs besoins en énergie propre

Il y a un domaine dans lequel les entreprises prennent les devants et se démarquent des gouvernements, qui bien trop souvent n’ont pas encore joint le geste à la parole. C’est celui de la lutte contre le changement climatique et, plus particulièrement, du financement de la transition vers les énergies renouvelables. Selon un rapport de BloombergNEF publié le 31 janvier dernier, en 2021, les entreprises du monde entier ont acheté 31.1 GW d’énergie propre par le biais de contrats à long terme, principalement aux États-Unis et dans la technologie. Ces volumes en question ont représenté plus de 10% de toute la capacité d’énergie renouvelable créée dans le monde l’année dernière.

En pratique, il s’agit soit de conclure un contrat avec des promoteurs d’énergies renouvelables pour la construction d’installations produisant de l’énergie renouvelable destinée à alimenter une application particulière (PPAs ou Power Purchase Agreements – pour en savoir plus sur les PPAs), soit d‘accords financiers prévoyant l’achat d’électricité renouvelable sans que l’installation de production ne soit spécifiée (VPPAs ou Virtual Power Purchase Agreements).

Le recours à ces contrats est principalement motivé par les objectifs de neutralité carbone des entreprises. En effet, celles-ci s’engagent à réduire leurs émissions à des échéances précises et ne peuvent donc pas simplement attendre que le réseau propose une électricité décarbonée sur chaque marché où elles opèrent. Nombre d’entre elles participent à la campagne RE100, s’engageant à s’approvisionner à 100% en énergie renouvelable pour leurs activités, quel que soit le lieu où elles prennent place. Il y a désormais plus de 350 organisations signataires de cet engagement qui consomment ensemble 363 TWh d’électricité par an (selon leurs dernières déclarations), ce qui dépasse la production annuelle d’électricité (toutes sources confondues) au Royaume-Uni.

Un autre avantage : la protection contre les fluctuations de prix

Ces contrats garantissent non seulement que l’approvisionnement en énergie d’une entreprise est faible en carbone, mais offrent également une protection contre les fluctuations des prix de l’énergie. Au vu de l’accroissement des cours de l’énergie ces 12 derniers mois, il semble probable que ce type de contrats suscite un intérêt de plus en plus marqué auprès des grands consommateurs. Car même si les prix des énergies renouvelables ont légèrement augmenté en raison de l’augmentation des prix des composants, elles restent l’option la plus compétitive sur la plupart des marchés. Selon BloombergNEF, le coût d’exploitation des centrales électriques au charbon ou au gaz a doublé en 2021 et le prix du Brent a augmenté de près de 50 % sur la même période, rendant les énergies renouvelables l’option la plus économique sur la plupart des marchés.

un cercle vertueux

Dans certains cas, l’énergie renouvelable est utilisée dans un cadre circulaire vertueux. Ainsi, le producteur norvégien d’énergie éolienne Orsted a signé un protocole d’accord avec le producteur d’acier Salzgitter pour la fourniture d’hydrogène renouvelable. Ce protocole garantit un approvisionnement en énergie peu émettrice de carbone, qui permettra à Salzgitter de développer un acier à faible teneur en carbone, lequel sera ensuite fourni à Orsted pour la construction d’éoliennes afin de l’aider à atteindre son propre objectif « net-zéro » d’ici 2040.

 

La voie de la décarbonisation de l’approvisionnement mondial en électricité s’accompagnera probablement d’une volatilité accrue des prix car l’offre et la demande de combustibles fossiles ne s’ajusteront probablement pas sans heurts. Dans cet environnement, une source garantie d’énergie renouvelable à faible coût peut devenir un avantage concurrentiel, démontrant une fois de plus qu’une stratégie durable doit contribuer à la réussite financière d’une entreprise, et non la ralentir.