Avec un bond de +151.5% en 2024, le leader des cartes graphiques Nvidia a clairement été le pari gagnant de l’année, tant la société semble incontournable pour tirer parti de l’engouement de l’IA.
Mais si le développement de l’IA apparaît comme inéluctable, pour l’investisseur il vaut peut-être mieux se poser la question de savoir quel sera le prochain Nvidia, plutôt que de tenter de monter dans le train en marche.
A cette question, la réponse pourrait bien être la production d’électricité. En effet, si l’on en croit Mark Zuckerberg, le plus grand goulot d’étranglement qui freine le développement de l’IA, ce n’est pas la disponibilité des cartes graphiques à haute capacité mais bien les limites de capacité dans la production d’électricité pour alimenter les data centers de l’IA.
Et alors que de nombreux acteurs se sont lancés dans la course à la production de cartes graphiques afin de ne plus dépendre d’un seul fournisseur, les limites de capacité dans la production d’énergie demeurent. Ces contraintes sont d’autant plus importantes que cette industrie est très fortement régulée, ce qui ralentit forcément l’entrée en action des projets d’investissement.
Microsoft se pose en champion des énergies renouvelables
Dans ce contexte, Microsoft a encore accru son intérêt pour les énergies propres. Tout d’abord, en admettant que ses émissions de CO2 avaient augmenté de 30% en raison de l’IA. Pour résoudre ce problème, le géant de Redmond a annoncé un contrat colossal de 10.5 GW avec Brookfield, prévoyant des investissements de plus de USD 10 milliards pour construire et développer une capacité de production d’énergie renouvelable entre 2026 et 2030, en implantant ces centres de production à proximité de data centers. Dans ce but, Brookfield va recourir à l’énergie solaire, à la production éolienne onshore et au stockage sur batteries. Cette nouvelle a souligné l’ampleur de l’augmentation de la demande en électricité à venir qu’implique la révolution de l’Intelligence Artificielle. Ceci va naturellement bénéficier à tous les acteurs des énergies renouvelables.
Le secteur des énergies propres commence à réagir
Cette demande accrue s’est d’ailleurs traduite par un net rebond du secteur, en particulier le secteur de l’équipement solaire et des développeurs d’énergie renouvelable. Le secteur a ainsi enregistré en mai une performance encourageante – après de nombreux mois difficiles – de près du double du marché dans son ensemble. De fait, l’indice Wilderhill NEX a grimpé de +9.75% pendant la période, tandis que l’indice mondial MSCI World se contentait d’un gain de +4.5%.
Ceci décrit la tendance du marché depuis un mois mais la réalité est que les fondamentaux s’améliorent. En particulier, les chiffres que les équipementiers des centrales électriques et les développeurs de projets d’énergie ont publiés pour le 1er trimestre étaient globalement plutôt bons. Le creux du cycle macroéconomique semble derrière nous. Les problèmes des chaînes d’approvisionnement paraissent résolus et les stocks se normalisent. Par ailleurs, presque toutes les sociétés du secteur ont fait part d’un impact positif de l’IA sur leur développement commercial, une tendance qui va certainement se poursuivre.
La politique de relocalisation bénéficie aux acteurs US
Cette tendance positive générale est soutenue aux USA par la thématique de la relocalisation, qui demeure un facteur d’amélioration de la demande, des prix et des marges. Il faut dire que les Américains appliquent désormais de lourdes taxes douanières aux importations chinoises afin de défendre les emplois domestiques. C’est ainsi que les panneaux photovoltaïques sont taxés à 50%, les véhicules électriques à 100% et les batteries lithium-ion à 25%.
L’administration Biden a augmenté ces impôts en prévision des élections de novembre, ce qui réduit l’incertitude qu’une victoire de Trump ne change la position ferme des Etats-Unis sur le commerce avec la Chine.
Pas de risque de rupture d’approvisionnement
L’un des points critiques est que les développeurs d’énergies renouvelables puissent disposer de suffisamment de panneaux photovoltaïques et de batteries pour mener à bien leurs projets. D’après ce qu’ils nous disent, ceci n’est pas un risque à l’heure actuelle, contrairement à ce qui a pu se produire dans le passé, lorsque la politique commerciale vis-à-vis de la Chine a subitement changé. Par ailleurs, rendre les importations plus chères en raison de tarifs douaniers accrus bénéficie directement aux producteurs de panneaux solaires domestiques, comme cela a été le cas de First Solar, qui a bondi de +58%. La société est l’un des rares fabricants américains, et de loin le plus important.
La modernisation du réseau électrique
Une autre évolution récente a été la publication des règles de la Commission fédérale de réglementation de l’énergie (FERC) qui, pour la première fois depuis plusieurs décennies, entend revoir en profondeur le réseau de distribution électrique. Ces nouvelles règles visent à moderniser le réseau pour le rendre capable d’atteindre les objectifs climatiques, réduire l’instabilité du système due à la sortie du charbon, améliorer la fiabilité (1 ménage américain sur 7 doit recourir à des générateurs électriques de secours), ainsi qu’à forcer les services publics à accélérer leur modernisation. En effet, le secteur technologique a besoin d’électricité immédiatement et ne peut attendre que les producteurs d’électricité se décident à bouger.
La fièvre des M&A reprend
Pour faire face à cet appétit grandissant, le secteur connait une nouvelle vague de fusions & acquisitions. C’est ainsi que Brookfield a fait une offre pour une participation de contrôle dans Neoen. Comme cela a été le cas plus tôt cette année avec la reprise d’Encavis, le prix offert représentait une prime de 27% sur le cours en bourse, voire de 40% par rapport au cours moyen sur 3 mois (pondéré par le volume). Ces primes sont également le reflet des faibles valorisations actuelles des sociétés cotées et nous pourrions assister enfin à un re-rating. Cela pourrait être plus particulièrement le cas en Europe, où les producteurs d’électricité ont sous-performé d’environ 25% le marché dans son ensemble depuis 2021, tandis que les développeurs d’énergies renouvelables ont souffert d’une différence de valorisation pouvant aller jusqu’à 40%. Malgré la hausse récente, ces sociétés sont encore loin de leurs plus hauts et certaines d’entre elles se traitent même avec une décote par rapport à leur base de capacité opérationnelle installée.