Europe : La course à l’électrification, un défi de taille

Le drame qui se déroule en Ukraine sonne, pour l’Europe, la fin de l’« insouciance » énergétique. La transition vers une économie décarbonée est devenue une priorité politique absolue, gage de notre indépendance future.

De toutes les évolutions relatives à cette course vers le net zéro, l’une des plus significative est l’électrification : renoncer aux énergies fossiles signifiera, dans bien des cas, les remplacer par l’électricité. Cela se traduira par une très forte augmentation de la part de l’électricité dans le mix de l’énergie finale[1], qui devrait passer de 20% actuellement à près de 50% en 2050 (source : IEA – NZE scenario).

Obstacles en vue

Cependant, de sérieux obstacles se dressent face à la volonté politique de l’UE d’électrifier son mix énergétique. En premier lieu, ceux liés à la production : chaîne de valeur du solaire archi-dominée par la Chine, manque de main-d’œuvre qualifiée pour l’installation, lenteurs administratives pour l’obtention des permis, etc. La transmission et la distribution de cette électricité risquent, elles aussi, de constituer un frein considérable. Nous devons faire évoluer nos réseaux électriques au même rythme que notre mix énergétique, sous peine de voir ces derniers devenir le goulet d’étranglement rendant impossible le projet d’électrification du continent.

Or, les réseaux électriques des pays développés (UE, US, GB) sont des infrastructures vieillissantes, inadaptées. L’architecture des réseaux électriques a été conçue dans un monde où les sources d’électricité étaient pilotables, peu nombreuses et proches des points finaux de consommation. A l’inverse, dans une économie net zéro, une part importante des ressources seront intermittentes, les sites multiples et la production parfois éloignée (ex : offshore). En somme, c’est tout un modèle qu’il faut repenser.

Un défi financier, politique et de ressources

Au niveau financier, TotalEnergies estimait le mois dernier dans son Energy Outlook, que les investissements à venir dans les réseaux électriques étaient aussi considérables que ceux nécessaires dans le domaine des énergies renouvelables. Il s’agit là de montants colossaux se chiffrant en trillions sur les prochaines décennies.

Au niveau politique, le sujet des réseaux électriques, au moins jusqu’aux craintes très récentes de blackout, n’apparaissait guère dans les discours. Méconnaissance d’un sujet complexe, absence de vision long terme, calcul politique ont contribué à remiser au second plan ce sujet capital.

Au niveau des ressources, les réseaux électriques nous renvoient aux métaux critiques et plus particulièrement au cuivre. Depuis la première centrale électrique d’Edison en 1882, ce métal difficilement substituable a été utilisé pour sa conductivité. Du fait du développement des renouvelables ou encore des véhicules électriques, la demande de cuivre va fortement augmenter. Certains alertent déjà sur le risque d’un prochain déficit d’offre, à l’instar du CEO de Nexans Christopher Guérin avertissant que « la pénurie de cuivre est écrite… dans deux ans ce sera la bataille des nations pour le cuivre. » (Sep 2022). Ce risque semble largement sous-estimé !

La politique d’indépendance énergétique de l’Europe et son avancée vers une économie décarbonée passent par l’électrification, dont les réseaux électriques sont la colonne vertébrale. Si leur modernisation ne devient pas une priorité et que des moyens financiers significatifs ne sont pas consentis, le risque qu’ils deviennent un frein majeur à la transition énergétique du continent ne fera que croître, laissant l’Europe dans sa précarité énergétique.

Comme souvent dans ce qui touche au climat, le secteur privé a un temps d’avance sur le politique. L’état des réseaux crée dès à présent des opportunités considérables pour de nombreuses industries et notamment celles qui fournissent des « remèdes » à leur fragilité. Nos stratégies Quaero Capital Funds (Lux) – Accessible Clean Energy et Quaero Capital Funds (Lux) – Infrastructure Securities sont dès à présent positionnées sur ces thématiques via plusieurs véhicules parmi lesquels on peut citer :

  • Les opérateurs de réseaux de transmission et distribution eux-mêmes dont le rôle est plus stratégique que jamais et qui vont bénéficier de politiques accommodantes
  • Les sociétés industrielles qui sont exposées aux investissements des opérateurs à l’instar des fabricants de câbles
  • Les technologies de stockage (batteries, hydrogène…) qui seront incontournables dans des réseaux intelligents
  • Enfin, les investissements dans les réseaux rendant probable un environnement dans lequel le prix de l’électricité sera durablement élevé, tout ce qui touche à l’efficacité énergétique offrira des retours sur investissements significatifs

[1] A ne pas confondre avec l’énergie primaire qui concerne les produits énergétiques non transformés (en 2021, la consommation d’énergie primaire dans le monde se répartissait ainsi : pétrole 31%, Gaz naturel 24%, charbon 27%, nucléaire 4%, hydroélectrique 7%, renouvelables 7% – source : BP Statistical Review of World Energy).