Pour compenser les imprécisions grandissantes du calendrier julien qui régissait la société occidentale depuis Jules César, le pape Grégoire XIII décréta en 1582 que le 4 octobre serait suivi du 15 octobre cette année-là. La décision du souverain pontife provoqua une révolte des serviteurs qui réclamèrent le paiement de leurs gages pour le mois entier, ce que les maîtres refusèrent.
Nous n’irons pas jusqu’à comparer la multiplication des épisodes de volatilité sur les marchés obligataires depuis le début de l’année à des mouvements de révolte, ni Jerome Powell à Grégoire XIII, mais un changement de calendrier, celui des baisses anticipées des taux directeurs de la FED, est, là aussi, le facteur essentiel de ces accès de nervosité non négligeables : 80 bps entre les points haut et bas sur le Treasury 10 ans américain, contre 70 bps l’année dernière sur la même période.
Entre les six baisses de taux attendues pour 2024 en début d’année, un scénario optimiste qui reposait largement sur la conférence de presse euphorique de Jerome Powell le 13 décembre dernier, et les deux baisses, à peine, déduites aujourd’hui du marché des Fed Funds, la stratégie data driven revendiquée par la FED a déraillé. Elle s’est heurtée à un mur de données contradictoires, que traduit notamment le reflux contrarié de l’inflation sous-jacente (3.9% en janvier, 3.8% en février et mars, 3.6% en avril).
Nous souhaitons rappeler trois choses :
- Point de crispation du marché – le calendrier des baisses de taux anticipées, construit à partir des taux overnight projetés aux différentes dates de FOMC, se compare plus à une série de sondages d’opinion qu’à un calendrier prévisionnel, ce que le marché semble parfois oublier. La différence est du même ordre que celle existant entre le breakeven inflation, qui ne représente que l’idée que le marché se fait de l’inflation à une échéance donnée, et l’inflation réelle.
- Nous avons dit à plusieurs reprises depuis la fin de l’année dernière qu’en raison des particularités de l’inflation américaine – inflation conjointe par l’offre (hausse du taux de marge des entreprises) et la demande (hausse du revenu disponible des ménages) qui démarre en 2021 – il serait difficile pour la FED de baisser ses taux avant le second semestre 2024. Nous maintenons notre opinion. Nous pensons que, de toutes les données liées de près ou de loin à l’inflation, le retour d’une tendance baissière de l’inflation sous-jacente reste l’élément central qui permettra à la FED d’agir. Dans cette optique, le chiffre du mois d’avril va dans le bon sens.
- Nous ne partageons pas la thèse minoritaire mais beaucoup débattue que la banque centrale américaine puisse à nouveau monter ses taux. Cette thèse nous paraît moins reposer sur des faits que procéder de la même exagération aveugle qui la voyait les baisser à 6 reprises dès le mois de mars.