Greenwashing : une bataille que l’on se doit de mener

Signe de la maturité de l’investissement durable, le greenwashing devient une préoccupation majeure pour notre industrie. Pourtant, si les réglementations sont de plus en plus strictes et que  de nouvelles normes comptables sont à l’étude, il est également important que les acteurs du secteur s’autodisciplinent pour lutter contre ce fléau. Il en va de la légitimité même de l’investissement durable.

Le greenwashing consiste pour une entreprise à adopter dans son discours marketing et sa communication un positionnement écologique (et socialement responsable) qui lui est favorable mais qui dépasse la réalité. Cette tendance est présente dans tous les secteurs de l’économie et s’applique à n’importe quel produit ou service, qu’il s’agisse d’un fonds d’investissement ou d’une brosse à dents. Dans le monde de l’investissement, où la plupart des gérants d’actifs propose désormais une gamme de produits « durable », certaines affirmations sont de légères déformations de la réalité, d’autres sont purement scandaleuses.

Mais qu’entend-on par stratégie d’investissement durable ? En particulier, quelles sont les différences entre investissement ESG et investissement d’impact ?

Traditionnellement, l’investissement ESG consiste à investir dans des entreprises qui sont les mieux placées pour gérer les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance et tirer parti des opportunités qui en découlent. Cette approche est davantage axée sur les activités / les modes opératoires d’une entreprise que sur le produit ou le service vendu. Une entreprise qui gère les risques ESG mieux que ses concurrents peut être considérée comme durable, même si ses produits ne contribuent pas à résoudre un problème de durabilité. Utiliser de l’eau recyclée dans un processus de fabrication ou s’engager à verser à son personnel un salaire décent pour favoriser le recrutement, la rétention et la motivation sont des exemples de pratiques durables.

L’investissement d’impact consiste à considérer l’effet (ou impact) de l’entreprise sur l’environnement et la société. Cette approche met l’accent sur le produit ou le service vendu, et sur la façon dont celui-ci contribue à rendre la société plus durable. Une entreprise qui se consacre à améliorer les capacités de stockage de l’électricité issue d’énergie solaire est une entreprise qui a un impact positif puisqu’elle facilite à la transition énergétique.

La différence entre investissement ESG et investissement d’impact est souvent mal comprise.

Le règlement SFDR, entré en vigueur en 2021, vise à résoudre ce problème en exigeant une grande quantité d’informations qui permet de distinguer une approche de l’autre.

En effet, SFDR désigne différemment les fonds selon qu’ils ont des caractéristiques de durabilité – ils sont dits « Article 8 » – ou qu’ils poursuivent un objectif de durabilité – ils sont alors définis « Article 9 ». Cette distinction est bénéfique mais, dans la pratique, il nous semble que la désignation Article 8, attribuées aux fonds qui présentent des caractéristiques de durabilité, n’est pas assez précise et perd donc de son intérêt. En effet, dès que les fonds prennent en compte – d’une manière ou d’une autre – les facteurs ESG dans leur processus d’investissement, ils sont désignés Article 8. Cette désignation « fourre-tout » regroupe des fonds qui suivent des méthodologies potentiellement très différentes et plus ou moins rigoureuses (notamment dans le choix des données – voir plus bas). Or, nous constatons que l’appellation Article 8 est utilisée comme un filtre par les propriétaires d’actifs à la recherche de fonds durables. Ces derniers ne se rendent pas toujours compte que cette désignation ne donne aucune indication sur le type d’approche ESG retenue ni sur le niveau de rigueur adopté par le gérant. A titre d’exemple, la base de données Morningstar indique que, parmi les fonds en actions chinoises disponibles en Suisse, 54 fonds sont désignés Article 8, alors que la plupart ne mentionne pas la durabilité dans leur prospectus et que la qualité/disponibilité des données ESG des entreprises chinoises laissent à désirer.

Certains régulateurs européens ont été plus précis, à l’image de l’AMF en France, où la simple mention de l’ESG dans les documents marketing exige que l’approche ESG du fonds réponde à un choix de trois objectifs spécifiques.

En outre, comme indiqué plus haut, le greenwashing est partout et peut donc aussi se retrouver au niveau de l’entreprise dans laquelle on investit. En particulier au niveau des indicateurs clés de performance extra-financiers – qui ne sont pas audités et souvent sélectionnés par le management pour présenter l’entreprise sous un jour favorable – ceux qui sont justement utilisés pour caractériser les facteurs ESG des entreprises. Le problème de la qualité des données et le manque de standards ont été identifiés par de nombreuses études comme obstacles majeurs à l’adoption des stratégies d’investissement durables. Nous pensons que l’introduction des normes comptables issues des IFRS et les campagnes des investisseurs vont permettre de les surmonter.

Si l’existence du greenwashing démontre la nécessité d’une plus grande transparence, de données de meilleure qualité, de l’adoption de standards et d’une meilleure surveillance par les régulateurs, le secteur se doit de le combattre. Il en va de la légitimité-même de l’investissement durable.