Guerre en Ukraine, flambée des prix des énergies fossiles : autant d’arguments pour pousser l’énergie propre

Cet article de Martina Turner a été publié sur le site financier Allnews.

La crise ukrainienne montre à quel point la dépendance de l’Europe au gaz russe est problématique.  Il ne saurait y avoir d’indépendance politique sans indépendance énergétique. L’utilisation par la Russie de son gaz naturel comme d’une « arme » en constitue une parfaite illustration (le directeur de l’Agence internationale de l’énergie (AIE) a exposé les preuves d’un « resserrement artificiel » de l’offre par la Russie l’année dernière alors que la demande saisonnière était élevée).

La flambée des prix du gaz et le retour de la guerre en Europe ont mis le feu aux poudres : l’Union européenne a officiellement déclaré qu’elle s’efforcerait de déployer des technologies énergétiques propres (dont le prix a considérablement diminué ces dernières années), de réduire sa dépendance à l’égard du gaz russe, de renforcer sa sécurité énergétique et de réduire simultanément ses émissions. Selon l’AIE, la rapidité est essentielle car l’UE sera confrontée à « une incertitude considérable quant à l’approvisionnement en gaz russe l’hiver prochain ».

Le gouvernement allemand a annoncé un projet visant à avancer de 15 ans son programme de production d’énergie 100 % renouvelable.  De même, l’AIE a publié un plan en dix points visant à réduire d’un tiers les importations de gaz russe dans l’UE d’ici un an. Aux États-Unis, le président Biden a également souligné l’importance d’accélérer le déploiement des technologies propres.

Toutes ces politiques et déclarations laissent présager une forte accélération de la demande pour les énergies solaire et éolienne et ce, d’autant plus qu’elles sont désormais accessibles tant technologiquement que financièrement.

Au sein du secteur des énergies propres, tous les sous-segments ne sont pas égaux face à la crise

Le segment le plus négativement impacté par le conflit à ce stade, est celui du stockage d’énergie. Principalement lié au marché des batteries et des véhicules électriques, il pâtit de la fragilité de la chaîne d’approvisionnement de l’industrie automobile, notamment pour les puces électroniques. La guerre en Ukraine fait craindre des tensions qui pourraient s’aggraver sur une logistique déjà très tendue. Les incertitudes portent notamment sur l’approvisionnement en matières premières, comme les gaz (néon, hélium, argon, krypton, xénon) ou certains métaux (palladium, platine).

Les entreprises spécialisées opérant dans les domaines de l’efficacité énergétique sont à surveiller de près pour ces mêmes potentielles difficultés d’approvisionnement. D’un point de vue plus optimiste, ces secteurs devraient bénéficier d’un fort soutien gouvernemental, notamment dans le domaine de la construction avec la lutte engagée contre les passoires thermiques et la rénovation énergétique des bâtiments.

Les industries du solaire et de l’éolien devraient de leur côté largement bénéficier de cet environnement dans lequel le prix des énergies fossiles a explosé. Les entreprises spécialisées dans le solaire résidentiel gagnent ainsi de nombreux clients car les panneaux solaires offrent aux particuliers une électricité désormais beaucoup moins chère que celle du réseau (et indexée sur les coûts de la production thermique). Certains installateurs mentionnent une économie pouvant aller jusqu’à 40% de la facture d’électricité.

Enfin, un secteur à suivre de près sera celui des producteurs indépendants d’électricité ou IPP (Independent Power Producer). Ce dernier fait office de valeur refuge, de la même manière qu’au début de la pandémie, lorsque la production d’énergie était considérée comme une industrie essentielle.

Comment le secteur devrait évoluer ces prochains mois

La revalorisation du secteur va se poursuivre. La situation géopolitique, évidemment dominée par l’invasion Russe en Ukraine, vient encore accélérer la demande globale en énergies renouvelables.

Nos contacts avec les dirigeants des sociétés du secteur des IPP confirment un intérêt accru des entreprises pour les accords d’achat long-terme d’électricité verte via des PPA (Power Purchase Agreement – contrats permettant à des entreprises de sécuriser leur approvisionnement futur d’électricité propre à des prix fixés à l’avance). Ce type de contrat permet à l’acheteur de progresser dans son objectif d’atteinte de la neutralité carbone tout en le protégeant contre l’augmentation des prix de l’électricité.

Il reste bien sûr des facteurs de risques. Pour lutter contre l’augmentation de la facture des particuliers et des PME, certains gouvernements au sein de l’UE pourraient, à l’instar de l’Espagne l’année dernière, taxer les gains « indus » (windfall profits) des utilities liés à l’explosion du prix de l’électricité. Le plus important reste cependant selon nous que les carnets de commandes sont pleins et la vitesse d’implantation d’éoliennes offshore dans l’UE semble avoir augmenté depuis l’automne dernier.

Les événements des dernières semaines amènent les investisseurs à réévaluer l’impératif stratégique que représente la construction rapide de capacités additionnelles de production d’électricité propre. Tous les feux sont passés au vert : il n’y aura pas de gaz naturel bon marché avant longtemps, les technologies permettant la transition vers les énergies propres sont disponibles et abordables tant pour les entreprises que pour les consommateurs, et enfin, la décarbonisation est indispensable.