La loi sur la réduction de l’inflation (IRA : Inflation Reduction Act) a été promulguée par le président Biden le 16 août après que les démocrates de la Chambre des représentants ont approuvé, par un vote de 220 voix contre 207, le plus gros investissement fédéral jamais réalisé pour lutter contre le changement climatique. Le plan vise 369 milliards de dollars de dépenses pour l’énergie et la lutte contre le réchauffement. Pour illustrer cette taille monumentale, certains soulignent que les dépenses seront quatre fois supérieures à celles de la loi de relance de 2009 du président Obama pour les initiatives climatiques. L’impact sera considérable. Cette législation vise à réduire les émissions d’au moins 40% d’ici à 2030.
Quelques points-clés
Solaire et éolien : prolongation de l’ « Investment Tax Credit » (qui bénéficie aux utilities et particuliers installant des parcs d’énergies propres) ainsi que du « Production Tax Credit » (stimule l’offre) pour une durée de dix ans
L’ITC et le PTC ont été prolongés de dix ans : un signal important qui élimine l’incertitude pour les développeurs. Dans le passé, les prolongations n’étaient que d’un ou deux ans, ce qui créait des incertitudes pour les projets qui prennent cinq ans ou plus à réaliser. Le solaire devrait en être le principal bénéficiaire. Le secteur de l’énergie éolienne bénéficiera également de l’élimination des délais politiques qui ont freiné le développement.
Les crédits d’impôt pour les énergies propres – PTC/ITC – ont été étendus au-delà de l’éolien et du solaire et couvrent désormais des technologies telles que la géothermie, le stockage et le « CCS » – procédé de capture et de stockage du CO2. Ils peuvent également augmenter, voire doubler, en fonction de critères spécifiques tels que les règles de contenu local (acier et fer fabriqués aux États-Unis, par exemple), les règles relatives aux salaires et aux apprentis, ou si le projet se trouve dans une zone défavorisée.
Par exemple, avant le projet de loi Inflation Reduction Act (IRA*), l’ITC solaire était de 26% en 2022 et tombait à 10% en 2024. Après la loi IRA*, l’ITC pour le solaire passe à 30% – rétroactif à partir de mars 2022 – et reste à 30% pendant 10 ans, puis tombe à 22. % en 2034. Le taux de 30% peut désormais passer à 50%, voire 60%, si le projet répond aux nouveaux critères spécifiques.
Les crédits d’impôt et les prêts promettent d’accélérer le déploiement à l’échelle nationale des énergies renouvelables, dont le coût est déjà compétitif par rapport aux combustibles fossiles, et qui deviennent encore moins chères avec les économies d’échelle. Les communautés à faibles revenus, ainsi que celles qui dépendaient historiquement de l’exploitation des combustibles fossiles pour leur subsistance (par exemple les villes minières), sont désormais ciblées pour y accéder.
L’hydrogène vert : un crédit d’impôt de 3 USD/kg qui change la donne
L’IRA introduit une incitation essentielle pour les entreprises : un crédit d’impôt de 3 dollars par kilogramme. Cela rendra l’hydrogène vert moins cher à produire que l’hydrogène gris, en particulier là où les coûts de l’énergie solaire et éolienne sont en baisse ou là où la différence entre le vert et le gris s’est creusée avec l’inflation des prix du gaz.
Aujourd’hui, aux États-Unis, l’hydrogène gris le moins cher est à 1.71 USD/kilo ; l’hydrogène vert le moins cher est à 3.75 USD/kilo ; le nouveau crédit d’impôt à 3 USD ramènerait le coût de l’hydrogène vert en dessous de 1.00 USD/kilo.
Transport : extension des incitations pour les voitures et les camions, nouvelle incitation pour les SAF (carburants durables d’aviation)
L’industrie des Véhicules Electriques (VE) est au cœur de l’énergie renouvelable. La fabrication de véhicules à technologie avancée dispose d’environ 2 milliards de dollars de prêts affectés et ces prêts peuvent être considérablement augmentés sans aucun plafond. Ainsi, par exemple, USD 20 milliards et bien plus en garanties de prêts automobiles pourraient être utilisés pour garantir (dé-risquer) les investissements dans la chaîne d’approvisionnement des VE. Cela devrait contribuer à faire baisser le coût des batteries jusqu’à 100 USD/kWh, niveau auquel on estime que le prix d’achat des VE (hors subvention) atteindra la parité avec les véhicules thermiques.
Les consommateurs pourront bénéficier d’un crédit d’impôts allant jusqu’à USD 7 500 pour l’achat d’un véhicule à énergie propre (VE et véhicule à pile à combustible à hydrogène), sans limite de volume du côté des constructeurs. Les véhicules d’occasion sont également concernés avec un crédit d’impôts pouvant aller jusqu’à USD 4 000. Ces aides concernent les modèles dont le prix de vente ne dépasse pas USD 55 000 pour une voiture et USD 80 000 pour les véhicules utilitaires.
En outre, pour être éligibles, les constructeurs doivent produire leurs voitures et leurs batteries en Amérique du Nord. On note également l’introduction d’un crédit minimum de 1.25 USD/gallon pour chaque gallon de carburant d’aviation durable (SAF) vendu en tant que partie d’un mélange de carburant qualifié avec une réduction démontrée des gaz à effet de serre (GES) sur le cycle de vie d’au moins 50% par rapport au carburéacteur conventionnel. Le crédit d’impôt augmente de 1 cent pour chaque point de pourcentage par lequel la réduction des émissions de Gaz à Effets de Serre sur le cycle de vie dépasse 50 %, jusqu’à 1.75 USD/gallon.
Agriculture : nouveau package de propositions
L’IRA comprend 40 milliards de dollars de dispositions relatives à l’agriculture. Le projet de loi prévoit des fonds pour les programmes volontaires, les programmes de conservation, l’infrastructure des biocarburants et l’allègement de la dette des agriculteurs par l’intermédiaire des États-Unis :
- 20 milliards de dollars de financement pour soutenir l’expansion des pratiques de conservation et 500 millions de dollars pour aider à fournir un meilleur accès aux biocarburants,
- 20 milliards de dollars pour les programmes de conservation du département de l’Agriculture américain (USDA).
Fabrication : nouvelles incitations pour relocaliser la fabrication de produits énergétiques propres et réduire les risques liés aux chaînes d’approvisionnement
Avec un objectif clair de relocalisation des chaînes de valeur aux États-Unis, l’IRA* va stimuler les investissements dans de nouvelles capacités de production par le biais de PTC (Production Tax Credit), de prêts, d’investissements en espèces.
USD 30 mia seront affectés à des crédits d’impôt à la production (PTC) pour accélérer la fabrication locale de produits liés aux ENR, et 10 milliards de dollars supplémentaires de crédits d’impôt à l’investissement (ITC) pour construire de nouvelles capacités de productions (à titre d’exemple, chaque étape de la production de panneaux solaires peut bénéficier d’un crédit d’impôt). L’industrie des véhicules électriques est au cœur de la transition énergétique. Le secteur de la fabrication de véhicules à technologie avancée dispose d’environ 2md$ de prêts affectés et ces prêts peuvent être considérablement augmentés, sans aucun plafond.
Ainsi, par exemple, USD 20 mia et bien plus en garanties de prêts automobiles pourraient être utilisés pour garantir (dé-risquer) les investissements dans la chaîne d’approvisionnement des VE.
Efficacité énergétique : amélioration de l’efficacité énergétique des nouvelles maisons inclusives
Des remises pouvant atteindre USD 4.5 mia sont prévues pour les pompes à chaleur et d’autres améliorations de l’équipement domestique qui réduiront les factures d’électricité des ménages américains, en particulier ceux à faibles revenus. Les pompes à chaleur peuvent bénéficier de USD 2 000 de crédits d’impôt et les maisons à énergie zéro peuvent recevoir USD 5 000.
Deux questions
1. Quelle est l’importance de la rapidité de la mise en œuvre ?
Afin de sécuriser le projet de loi avant les élections à venir, nous pensons que le fisc américain clarifiera rapidement les détails de ces nouvelles règles.
La volonté de réduire la durée d’obtention des permis sur les nouveaux projets constitue également un point essentiel de l’accélération espérée du déploiement des ENR.
2. Est-ce déjà pris en compte dans le prix des actions ?
Nous ne le pensons pas.
Si l’on regarde très simplement le cours actuel par rapport au cours juste après l’élection de Biden, l’ETF iShares Global Clean Energy (ICLN) montre que nous sommes encore 13% en dessous des niveaux de décembre 2020, lorsque l’on espérait que le programme Build Back Better (BBB) serait adopté. La reprise depuis l’approbation du projet de loi IRA par le Sénat a été forte mais plus prudente à la lumière de l’environnement économique – pression inflationniste rencontrée par la hausse des taux.
On peut dire que le nouveau projet de loi augmente la valeur de l’énergie propre, ce qui ajoute à la sécurité énergétique et à la résilience énergétique dans une période incertaine de guerre et d’augmentation des événements climatiques.
Alors qu’aux États-Unis, les taux d’intérêt ont augmenté depuis l’adoption prévue de la loi BBB, les prix de l’électricité ont également augmenté : les prix de gros ont augmenté de plus de 50% en moyenne (inflation beaucoup plus élevée dans certains États que dans d’autres).
Selon l’Agence Internationale de l’Energie, cette tendance à la hausse devrait se poursuivre. Les taux d’intérêt ont augmenté de 130% depuis août en glissement annuel.
La pression inflationniste est clairement plus forte dans l’UE, où les prix de gros de l’électricité ont augmenté de +80% à +365% sur un an. Les utilities n’ont d’ailleurs aucun problème à répercuter ces coûts plus élevés dans les contrats d’achat d’électricité (Power Purchase Agreements).