Les infrastructures constituent une classe d’actifs globalement séduisante pour plusieurs raisons : un caractère diversifiant dans les portefeuilles, des flux de trésorerie contractuels et réguliers, une certaine résilience tout au long du cycle économique (faible bêta), une importance vitale pour la société (transition numérique et énergétique) et des avantages conférés par leur longévité.
Protection contre l’inflation
Les investisseurs considèrent aussi souvent la classe d’actifs des infrastructures comme un bon moyen de se couvrir contre l’inflation. L’une des principales caractéristiques de ce secteur est en effet que ces entreprises bénéficient souvent de formules d’indexation de prix intégrées dans les contrats. Mais la définition des infrastructures ne cesse d’évoluer et son périmètre de s’élargir. Il est donc indispensable de se faire une idée nuancée de chaque actif pour vérifier s’il possède vraiment les caractéristiques habituelles du secteur des infrastructures.
Les « avantages inflationnistes » potentiels des actifs d’infrastructure dépendent en fait de la vigueur et de la souplesse de leurs flux de revenus, de leurs structures de coûts et de leurs bilans.
Quel Effet de la hausse des taux?
Quid de la hausse des taux d’intérêt ?
D’un point de vue général, l’impact de la hausse des taux d’intérêt doit être négatif car celle-ci pèse sur les taux d’actualisation et sur le coût de refinancement.
En cas de ralentissement économique, voire de récession, les opérateurs d’infrastructures doivent avoir des niveaux d’endettement gérables pour que les coûts du service de leur dette soient largement couverts par les flux de trésorerie et pour limiter tout risque de refinancement.
L’expérience montre, si l’on s’appuie sur les actifs côtés, que les infrastructures sont sensibles aux niveaux et aux évolutions des taux d’intérêt réels. Cela étant, cette sensibilité est variable dans le temps. Elle a par exemple été plus élevée sur le MSCI Infrastructures que sur le MSCI Monde de 2012 à 2017 (duration plus longue) et plus faible à partir de 2019 (duration plus courte).
La période de 2012 à 2017 avait ainsi été marquée par une valorisation plus forte des infrastructures grâce aux taux réels négatifs.
Et il est indéniable que le choc de taux réels de 2022-23 a affecté la performance des actifs d’infrastructures. Dans un premier temps, la montée de l’inflation a bénéficié au secteur. Mais par la suite, il y a eu une forte sous-performance des infrastructures liée à un derating assez puissant (cf. graphique infra).
Les taux réels vont-ils rester élevés?
La vraie question aujourd’hui est de savoir si les taux réels vont rester tendanciellement élevés (2% aux USA), voire encore plus élevés. Notons par ailleurs que c’est bien le taux réel (et non nominal) qui importe pour les infrastructures ou pour l’économie à moyen terme d’une manière générale. Les investisseurs réalisent des investissements qui ont des rendements prospectifs (réels) donnés (indépendants de l’inflation). Toute hausse de l’inflation anticipée se répercute à la fois sur le taux de financement mais également sur les prix de vente des biens ou services proposés sur l’horizon considéré.
Une 1ère source d’explication justifiant un taux neutre réel plus élevé pourrait être la hausse récente de la croissance potentielle réelle américaine. La bonne résistance macro américaine (2% au 1er semestre et environ 3/4% au T3) en dépit du resserrement monétaire de la Fed en témoignerait. Les bons chiffres de productivité du T2, de la population en âge de travailler (en lien avec le retour de l’immigration depuis Biden) ainsi que la hausse du taux de participation (à 62,8% au plus haut depuis la pandémie, au plus haut depuis 15 ans, pour les 25-54 ans) également.
Une 2ème source d’explication serait plus négative. La hausse du taux réel américain pourrait être due à un déséquilibre épargne / investissement. Celui-ci serait la conséquence de besoins d’investissement croissants et substantiels (transition énergétique / numérique, financement des dépenses de défense, guerre d’Ukraine…) face à une moindre épargne disponible de la part des gros épargnants du monde (Golfe, Allemagne, Russie, Chine, …).
Notons en particulier qu’un certain nombre de pays exportateurs nets de pétrole sont conscients de la nécessité de diversifier leur économie à moyen et long terme du fait de la transition énergétique, d’où des efforts d’investissements intérieurs au détriment de leur capacité de placements extérieurs (Arabie Saoudite, Iran, Nigéria,….). Ce choc rappellerait la thématique de la pénurie d’épargne mondiale évoquée au début des années 90 à la suite des chocs liés à la réunification allemande et à la transition dans les pays d’Europe de l’Est.
A cela s’ajoute une méfiance croissante vis-à-vis des Treasuries et du dollar pour des raisons politiques, notamment depuis les sanctions prises par l’Administration américaine à l’encontre de la Russie. En témoigne la baisse tendancielle des investisseurs non-résidents dans la détention des obligations souveraines américaines.
Nous ne sommes pas certains de l’impact mécanique et précis de ces phénomènes sur le niveau des taux longs réels d’équilibre. Mais nous pensons que cela influence au moins les anticipations des investisseurs obligataires et que ces derniers se positionnent sur des taux neutres plus élevés.
Quelles conséquences pour les infrastructures ? Cela se traduira sans doute par une dispersion accrue des performances entre les actifs d’infrastructure, ce qui offrira des opportunités aux sociétés bien établies et solidement capitalisées, notamment si elles parviennent à acquérir et à intégrer des actifs de taille plus modeste. Sachant que l’impulsion politique tant aux Etats-Unis qu’en Europe reste favorable et que les besoins restent substantiels. En témoigne l’âge moyen des infrastructures traditionnelles qui continue de progresser (cf. ci-dessous).