La guerre d’Ukraine pourrait-elle offrir des perspectives d’avenir à l’Europe ?

La guerre fait malheureusement partie intégrante de l’Histoire de l’humanité. En effet, comme l’a dit Carl von Clausewitz : « La guerre n’est que la continuation de la politique par d’autres moyens. ».

Le monde issu de la réunification de l’Allemagne et de la disparition de l’URSS (1989/91), c’est-à-dire celui des dividendes de la paix, est bel et bien révolu. Pourtant aujourd’hui, on pourrait se demander s’il pourrait y avoir à l’avenir une sorte de « dividende de la guerre » pour l’Europe.

De fait, une économie de guerre n’implique pas nécessairement qu’un pays soit directement impliqué dans un conflit armé, mais au moins qu’il s’y prépare ou le prévienne. Les États-Unis n’ont jamais été attaqués sur leur propre sol (à l’exception de l’attaque de Pearl Harbor le 7 décembre 1941 et, dans une certaine mesure, des attentats du 11 septembre), ce qui est un élément important.

Même sans agression directe de l’extérieur (ce qui est le cas pour tous les pays européens aujourd’hui à l’exception, bien évidemment, de l’Ukraine), il y a néanmoins des conséquences négatives, à savoir des restrictions commerciales (embargos et sanctions), une incertitude généralisée, une inflation croissante en raison des pénuries, un manque de visibilité pour les ménages et les entreprises. Ces caractéristiques sont en partie présentes et à des degrés divers selon les pays aujourd’hui.

Mais surtout, le risque majeur pour l’avenir serait évidemment une fragmentation majeure du monde si la Chine, puis un certain nombre de pays d’Afrique et du Moyen-Orient, venaient à se joindre à la Russie dans une coalition structurée au détriment de leurs relations avec l’Occident.

Ceci étant dit, quelles opportunités pourraient découler de ce conflit ? Peut-il y avoir un « silver lining », comme disent les anglophones, à cette guerre ?

En termes de gouvernance, il pourrait y avoir une plus grande unité européenne (notamment avec une stratégie énergétique coordonnée) et la fin du mercantilisme/autocentrisme de l’Allemagne. En outre, la politique de l’UE sera plus cohérente et la position de l’OTAN sera renforcée. Cela contribuera à garantir des projets à long terme pour l’Europe. Nous pourrions également mentionner les espoirs d’une diminution des sanctions américaines/occidentales contre la Chine ou le retour de l’Iran sur la scène internationale.

Les flux de réfugiés (en provenance d’Ukraine) peuvent également, sous certaines conditions, stimuler à moyen terme le potentiel de croissance du PIB des pays d’Europe occidentale. En parallèle, la volonté de réduire la dépendance énergétique et alimentaire vis-à-vis de la Russie pourrait constituer un moteur pour l’énergie nucléaire, la diversification des sources d’énergie et les énergies renouvelables. Cela réduirait considérablement le risque d’un choc sur les prix des matières premières énergétiques, et en particulier sur le prix du pétrole, qui a été récurrent au cours des 50 dernières années.

Par ailleurs, des gains de productivité pourraient résulter de l’effort de R&D et de l’innovation industrielle dans le domaine des équipements militaires et de l’armement. Ces gains de long terme ont tendance à se matérialiser dans les périodes qui suivent les conflits, comme par exemple dans les années 1920 et 1950-60, par une désinflation et une hausse du potentiel de croissance. De plus, les économies pourraient bénéficier d’une politique économique plus expansive (déficits budgétaires, taux d’intérêt réels négatifs, etc.) comme ce fut le cas dans les périodes de guerre du passé.

Enfin, la réallocation des ressources financières vers les besoins européens – en réduisant l’excédent de la balance courante de la zone euro bêtement imposé par l’Allemagne – est une bonne chose. Il est évidemment beaucoup trop tôt pour prédire ce qui va se passer, mais disons simplement que si la pandémie a ouvert les yeux des élites politiques européennes et mis en évidence la vulnérabilité de l’industrie et des soins de santé européens, la guerre en Ukraine a mis en lumière la dépendance énergétique et militaire de l’Europe.