L’attrait des rendements asiatiques

Yield
Photo: Nick Youngson CC BY-SA 3.0 Alpha Stock Images

Si Trump songe à se présenter avec le même slogan qu’il y a deux ans, il devra y ajouter quelque chose : « Rendre sa grandeur à l’Amérique – ça devrait être plus facile en partant de plus bas »… Même s’il serait injuste de blâmer le Président pour la totalité des déclarations plus ou moins cohérentes, il n’en reste pas moins que les critiques acerbes sur la Fed, l’incompétence de la politique étrangère (quelle politique ?) et la guerre commerciale totalement inutile constituent des questions importantes. Pourtant, les principales causes des récentes turbulences des marchés étaient déjà en place depuis l’année passée.

L’économie américaine plus forte qui a permis à la Fed de (presque) normaliser les taux d’intérêt, la fin de l’assouplissement quantitatif des banques centrales, le dollar fort, la reprise économique d’une durée pratiquement record et le ralentissement volontaire de l’économie chinoise afin de freiner l’endettement sont autant d’éléments qui étaient déjà dans les cartes depuis quelque temps et qui ont toujours été susceptibles de nuire aux rendements en 2018.

Si on y ajoute les problèmes réglementaires des grandes sociétés technologiques, un marché de l’électronique de consommation qui arrive à maturité (autrement dit, le smartphone), un ralentissement plus large du cycle des investissements informatiques déclenché par des excédents de stocks et une chute brutale des prix des matières premières, on obtient la recette infaillible pour perdre de l’argent à tous les niveaux.

Avec le recul, c’est en réalité pendant la fin 2017 et le bon premier semestre 2018 que les marchés ont eu un comportement aberrant, plutôt que pendant la seconde moitié plus faible de l’année. La correction a été inhabituellement généralisée, touchant presque toutes les classes d’actifs. La principale exception récente a été l’or, et même là les rendements ont été en demi-teinte, puisque les influences économiques ont principalement été déflationnistes. Les actions asiatiques et notre portefeuille en particulier n’ont pas été épargnés. La stratégie se concentre sur des sociétés bon marché détenant des liquidités importantes, avec une pincée de titres qui devraient être totalement décorrélés du cycle économique. Nous ne nous attendions pas à ce que 2018 soit une année exceptionnelle, mais cela n’a malheureusement pas fait une grande différence au cours des derniers mois. Les actions bon marché sont devenues encore meilleur marché, des rendements de 5% il y a un trimestre sont aujourd’hui passés à 6% ou 7%… et personne ne semble s’en soucier. Même si cela est déprimant pour tout gérant actif orienté sur la valeur (ou n’importe quel type d’investisseur récemment), nous nous sommes trouvés plusieurs fois déjà dans la même situation et, quand le sentiment redevient plus positif, les performances de ces titres peuvent être exceptionnelles… En attendant, vous recevez au moins un rendement décent, sans problème de bilan pour vous empêcher de dormir.

L’attrait de l’Asie sur le plan du revenu est désormais un facteur significatif pour les investisseurs plus patients ou ayant une aversion au risque. Le seul autre marché action qui peut concurrencer notre univers en termes de rendement est le Royaume-Uni, et dans ce cas, le rendement est dû autant à une surdistribution (particulièrement dans les secteurs du pétrole, de la pharma et des services publics) qu’à une réelle valeur durable – du fait des exigences quelque peu exagérées des investisseurs institutionnels en manque cruel de rendement dans leurs portefeuilles obligataires. Du point de vue du rendement, l’Australie est la meilleure destination, avec des banques et des grandes sociétés minières offrant des rendements de 5-6% nets d’impôt, ce qui correspond à environ 8% brut pour les investisseurs domestiques. Toutefois, la plupart des industrielles paient un dividende de plus de 3% et certains de près des deux chiffres (CSR par exemple). A Hong Kong, un rendement de 4% n’a rien d’extraordinaire et peut facilement être plus élevé, même sans aller jusqu’à des sociétés aux bilans fragiles ou aux taux de distribution intenables. Même des marchés comme Singapour et la Corée, qui, à l’exception de Singapore Telecom et Singapore Press, n’ont historiquement pas été populaires dans les fonds de rendement, peuvent désormais offrir des rendements de 3-4%, avec des taux de distribution en Corée qui restent maigres en comparaison internationale (typiquement 10-20%) mais soutenus par des bilans solides et une pression importante de la part des investisseurs et du gouvernement pour les rapprocher des normes internationales. A Taiwan, les taux de distribution ont tendance à varier plutôt plus qu’ailleurs en fonction du cycle des bénéfices, mais même là, et malgré un ajustement pour tenir compte du ralentissement de leur industrie électronique, il est facile de trouver des rendements de plus de 5%. Nous espérons que ces atouts vont commencer à influencer le comportement des investisseurs en 2019, plus qu’ils ne l’ont fait au cours des trois derniers mois.

Même si on appelle habituellement l’Australie le « Pays Chanceux », ces derniers temps ce qualificatif s’applique peut-être mieux à l’Inde, au moins en termes boursiers. La débâcle de la démonétisation, qui a clairement échoué à éradiquer l’argent de provenance douteuse, l’introduction d’une taxe sur les biens et services, qui a également été un échec fiscal important, les attaques contre l’indépendance de l’une des rares banques centrales restée jusqu’à présent libre d’une interférence politique manifeste et la résurgence du parti du Congrès, qui menace la réélection du BJP préféré des marchés… Aucun de ces éléments n’a eu d’impact durable sur le marché le plus cher de la région, en partie parce que la chute des prix du pétrole a compensé la liste croissante des facteurs macroéconomiques négatifs. Nous avons toujours un peu de peine avec les valorisations de ce marché et considérons que les risques, en particuliers politiques, sont sous-estimés. Nous restons donc peu enthousiastes et sous-investis.

Le 27 décembre, nous avons reçu un cadeau de Noël inopportun de la part de la FDA qui demandé à Starpharma de fournir plus de données cliniques sur leur nouveau traitement contre la vaginose bactérienne. Ce composé (Vivagel) a déjà été approuvé en Europe et en Australasie et commencera à générer des revenus dans 6 mois environ, mais les revenus américains sont désormais repoussés d’un an. Même si cela est décevant, la logique d’investissement en Starpharma repose sur la technologie basée sur les dendrimères de leur plateforme d’administration de médicaments, qui est potentiellement applicable pour améliorer des centaines de médicaments en augmentant leur solubilité et/ou en permettant un meilleur ciblage des organes malades, ce qui améliore l’efficacité et réduit les effets secondaires qui constituent une limitation cruciale de nombreux traitements anti-cancéreux. Les progrès dans ces domaines ont été importants cette année et les recettes de ce type de médicaments peuvent augmenter massivement les revenus du Vivagel dans quelques années. Ces médicaments comptent pour 95% dans notre valorisation de la société. La FDA n’a absolument aucun problème avec le profil de risque du dendrimère, et ceci est essentiel pour toutes les applications commerciales. Il n’y a aucune interrogation sur les avantages du Vivagel dans l’amélioration de l’efficacité de tout médicament utilisant la plateforme dendrimère. Nous avions réduit substantiellement notre position avant ce revers, car le titre s’était bien comporté, et il est désormais probable que nous rachèterons ces actions.