Le coût de la liberté est toujours élevé… mais les énergies renouvelables sont bon marché

Le développement du secteur des énergies propres a toujours été fortement influencé par des crises énergétiques. La guerre en Ukraine et son impact majeur sur les marchés de l’énergie ne feront pas exception. Malheureusement, il aura fallu une tragédie à nos portes pour que nous prenions conscience que les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique ne concernent pas seulement le changement climatique mais aussi notre indépendance, notre liberté et notre prospérité future.

L’histoire ne se répète pas, elle bégaie

La première crise énergétique mondiale moderne a eu lieu en 1973 avec l’embargo pétrolier de l’OPEP et ce que nous appelons aujourd’hui le premier choc pétrolier. C’est probablement dans les années 1970 que les énergies renouvelables ont commencé à susciter de l’intérêt. À l’époque, les grandes compagnies pétrolières comme BP ou Shell (pour n’en nommer que deux) ont investi dans la R&D des technologies solaires photovoltaïques. Exxon a créé Solar Power Corp et a mené des campagnes publicitaires (« Energy for a strong America ») mettant en avant l’énergie solaire aux côtés du charbon et du nucléaire. À la fin de la décennie, après l’installation d’un panneau solaire sur le toit  de la Maison Blanche, le président Carter a fait l’éloge de « la puissance du soleil qui permet d’enrichir nos vies en nous éloignant de notre dépendance paralysante au pétrole étranger ». (En lisant ceci, on a certainement l’impression d’avoir perdu quelques décennies).

Beaucoup plus récemment, l’année 2008, souvent désignée comme l’année de la GCF (Grande Crise Financière), a également été cruciale pour les énergies renouvelables. Au cours du premier semestre, les prix du pétrole au niveau mondial sont montés en flèche, passant de 90 dollars le baril en janvier au chiffre record de 147 dollars le 11 juillet. Cette « bulle » pétrolière a été un véritable booster pour le secteur des énergies renouvelables, accélérant massivement les investissements dans toute la chaîne de valeur. Cela a déclenché une progression incroyable (qui n’est pas encore terminée) des innovations et des percées technologiques dans le domaine de l’énergie solaire, éolienne, etc. Les coûts de ces technologies se sont effondrés, faisant des énergies renouvelables les sources d’énergie les moins chères.

2021 a également été marquée par une série de « mini-crises énergétiques ». Certes, au plus fort de la pandémie de Covid-19, elles sont passées un peu inaperçues. Souvent, il s’est agi de crises locales ou éloignées de nous :

  • L’État du Texas a ainsi connu une crise majeure de l’électricité, les tempêtes ayant provoqué la pire défaillance de l’infrastructure énergétique de l’histoire de l’État.
  • La Chine a connu des coupures de courant et des fermetures d’usines, les services publics étant à court de charbon.
  • Les prix de l’électricité en Europe ont atteint de nouveaux records avec une volatilité sans précédent, les prix du gaz naturel ont grimpé en flèche comme jamais auparavant. De façon prophétique, la dépendance de l’Europe au gaz naturel russe était déjà évoquée (notamment à cause des retards du nouveau gazoduc Nord Stream 2). On craignait de manquer de gaz au milieu de l’hiver. Des rumeurs selon lesquelles Poutine limitait les livraisons dans le but de créer une instabilité politique au sein de l’UE circulaient.

Cette année, la guerre en Ukraine porte la crise énergétique à un tout autre niveau. Les sociétés occidentales réalisent – une fois de plus – qu’elles sont bâties sur les combustibles fossiles, ce qui n’est ni souhaitable ni soutenable à long terme.

Bien qu’il soit beaucoup trop tôt pour tirer des conclusions de la catastrophe actuelle, il est manifeste que le conflit aura des conséquences importantes sur notre façon de considérer le secteur de l’énergie.

Une toute nouvelle stratégie énergétique est nécessaire

COP après COP, rapport du GIEC après rapport du GIEC, avertissement après avertissement, les politiques et les gouvernements ont été mis sous pression pour limiter, autant que possible, l’impact du changement climatique.

La plupart des pays ont annoncé des plans mais de nombreux observateurs sont restés sur leur faim, avec le sentiment que la grande majorité des décideurs n’avaient toujours pas ressenti le sens de l’urgence.

Cette fois, les choses pourraient être différentes.

Vu l’importance des combustibles fossiles pour le fonctionnement de nos sociétés, l’indépendance énergétique aurait toujours dû figurer en tête de nos priorités. Des décennies relativement paisibles (ou, pour être plus précis, de conflits lointains) nous ont donné une illusion de sécurité. Les pays occidentaux viennent de subir le pire des réveils.

La guerre en Ukraine nous oblige à réévaluer complètement notre stratégie énergétique à long terme. Nous nous rendons compte qu’il n’y a pas de vraie liberté sans énergie. Certes, le besoin d’indépendance et de sécurité énergétiques a toujours existé, mais il pourrait atteindre son point le plus critique au cours de ce conflit.

Dorénavant, nous pensons que les gouvernements, lorsqu’ils examineront leur stratégie énergétique, auront deux objectifs prioritaires : (1) atteindre l’indépendance énergétique le plus rapidement possible et (2) réduire les émissions pour lutter contre le changement climatique.

La bonne nouvelle est qu’il existe une solution commune à ces deux objectifs : davantage d’énergies renouvelables.

La transition énergétique accélérée est la seule issue possible

Il n’a fallu que quelques jours pour que les États-Unis et l’UE annoncent des mesures visant à isoler la Russie en imposant des sanctions économiques. Il est intéressant de noter qu’en Europe, ces mesures à court terme ont été associées à un plan à long terme, appelé « REPowerEU », dont l’objectif est de rendre l’Europe indépendante des combustibles fossiles russes bien avant 2030.

La présidente de la Commission, Ursula von der Leyen, a déclaré : « Plus vite nous passerons aux énergies renouvelables et à l’hydrogène, combinés à une plus grande efficacité énergétique, plus vite nous serons réellement indépendants et maîtriserons notre système énergétique. »

Pour faire baisser la demande de gaz en Europe, le plan prévoit un déploiement accéléré des capacités de production d’énergie éolienne et solaire, d’hydrogène renouvelable et de biométhane, ainsi que des mesures d’efficacité énergétique (notamment l’installation de pompes à chaleur).

En plus de cette initiative de l’UE, nous sommes convaincus que de nombreux pays vont annoncer rapidement des objectifs plus ambitieux. L’Allemagne, fortement dépendante du gaz russe, a l’objectif de tirer 100 % de son énergie de sources renouvelables d’ici 2035.

Prendre conscience que l’énergie propre ne concerne pas uniquement le changement climatique

En 1962, à l’issue de la crise des missiles cubains, le président Kennedy a déclaré:

« Le coût de la liberté est toujours élevé, mais les gens l’ont toujours payé. Et il y a une voie que nous ne choisirons jamais, c’est celle de la reddition ou de la soumission. »

Nous sommes dans un autre siècle mais certaines choses ne changent pas : la sécurité, la paix et l’indépendance ne doivent jamais être considérées comme acquises.

L’énergie propre ne concerne pas « seulement » la décarbonisation de l’économie (même si c’est déjà une raison suffisante pour l’adopter). Elle est stratégique. Elle est cruciale pour notre prospérité et notre liberté. Et même si les perspectives du secteur sont plus brillantes que jamais, il est désolant qu’il ait fallu des événements aussi dramatiques que ceux dont nous sommes témoins aujourd’hui pour que de nombreux dirigeants en prennent conscience.