Le marché et la guerre

L’impact de la guerre en Ukraine sur les marchés va dépendre de la durée et de l’ampleur du conflit, mais également de l’extension éventuelle des sanctions. Car si l’Histoire montre que des conflits locaux n’ont qu’un effet limité sur les bourses, tel n’est pas le cas lorsqu’ils impactent les prix de l’énergie et des matières premières.

Pour les investisseurs, trois variables-clés vont déterminer la tendance du marché.

  • Tout d’abord, la durée du conflit armé,
  • Ensuite, une éventuelle prolongation du conflit,
  • Enfin, l’extension des sanctions imposées par le monde occidental (liées aux deux points ci-dessus), pouvant aller jusqu’à un embargo sur toutes les exportations russes.

Comme disait Machiavel « Les guerres commencent quand on le veut, mais ne finissent pas quand on le souhaite ». A quel moment une guerre prend-elle fin ? Quand un camp admet sa défaite et/ou négocie avec l’ennemi. À ce stade, l’Ukraine n’admet pas sa défaite et la Russie semble ne vouloir négocier qu’à ses propres conditions.

Par conséquent, l’événement le plus probable est que la guerre va continuer. Mais dans une certaine mesure, le temps joue contre Poutine. Il doit aller vite et soumettre l’Ukraine le plus rapidement possible, avant que les sanctions économiques ne commencent à alimenter les doutes et la frustration du peuple russe. Le scénario d’une guerre éclair sur Kiev a échoué dès le début du conflit. Par conséquent, le cauchemar d’un scénario semblable à celui de la Syrie (Alep) et de la Tchétchénie (Grozny) se rapproche des plus grandes villes d’Ukraine (siège, blocage, bombardements, opérations terroristes, etc.)

Pour l’Occident, la meilleure option à espérer pour mettre un terme à cette tragédie est, paradoxalement, d’aider matériellement l’Ukraine, afin de convaincre la Russie que cette agression serait trop coûteuse pour être poursuivie jusqu’au bout. Ensuite, même en admettant que la défaite finale de l’Ukraine dans le rapport de force est indiscutable, l’issue de cette guerre est très incertaine. Lorsqu’un État est décapité, il ne reste plus personne avec qui négocier. Le Kremlin pourrait nommer un gouvernement fantoche. Mais un tel gouvernement serait considéré comme illégitime par la majorité de la population.

La guerre pourrait alors se poursuivre de la même manière qu’en Irak, avec une guérilla et une partition de l’Ukraine. Le conflit pourrait alors durer des années. Le Kremlin, ralenti par la résistance de l’Ukraine, a progressivement fait évoluer son attaque d’une guerre limitée dans le temps et l’espace vers une guerre totale et prolongée. Concernant l’extension du conflit, Poutine pourrait bien foncer tête baissée. Il partage avec Napoléon Bonaparte la même vision apocalyptique de l’histoire, fondée sur une blessure narcissique. Le sentiment d’isolement stratégique et personnel, associé à la fierté d’un génie militaire et stratégique supposé, pourrait conduire à des scénarios extrêmes. Mais sans aller jusqu’à une intervention nucléaire ou à l’attaque d’autres pays d’Europe de l’Est (Balkans, Caucase, pays baltes), on peut s’attendre à une multiplication des opérations d’intimidation, de désinformation, et surtout de piratage informatique, contre l’Occident…

On dit souvent que les conflits armés locaux n’ont qu’un impact limité et temporaire sur le marché. Nous réitérerons que cela est vrai sauf s’ils ont un impact sur le prix du pétrole (ou des matières premières) via des chocs d’offre (guerre du Kippour, guerre Iran-Irak, guerre du Golfe, deuxième guerre civile en Libye). Cette question est cruciale (voir tableau infra).