L’engagement constructif avec les petites entreprises cotées : Une alternative « Value » au Private Equity ?

Lors de la conférence LVIC Value Investor tenue récemment à Londres, nous avons fait une présentation (mot de passe disponible à la fin de l’article) sur le thème de « l’engagement constructif » envers les petites sociétés cotées et comment celui-ci peut améliorer les rendements tout en réduisant le risque.

Nous appliquons la même philosophie et le même processus d’investissement depuis le lancement du fonds QCF (Lux) – Argonaut il y a 19 ans. Nous nous concentrons sur la partie la moins efficace du marché, la « zone grise » des micro-capitalisations européennes, où les erreurs d’évaluation abondent et où notre approche d’analyse fondamentale nous permet de construire un portefeuille de « bonnes » sociétés acquises à de « bons » prix. L’expérience, la concentration et un esprit ouvert (contrarian) nous ont donné un avantage concurrentiel dans ce domaine.

Notre approche de l’investissement a toujours été basée sur des contacts très proches avec les entreprises. Nous entreprenons régulièrement des voyages à travers l’Europe afin de trouver des sociétés « délaissées » qui se traitent à de faibles valorisations dans des segments peu prisés. Ensuite, nous entamons une analyse approfondie pour renforcer notre conviction sur l’entreprise et augmenter la pondération de nos positions. S’ensuit une période de monitoring jusqu’à ce que notre thèse d’investissement se concrétise, ce qui peut prendre plusieurs années. Notre processus d’investissement se situe à mi-chemin entre l’investissement en sociétés cotées et le Private Equity, avec des visites fréquentes sur les sites des entreprises et des contacts directs très réguliers avec le management. Même si nous n’effectuons pas de Due Diligence formelle, notre processus de recherche a toujours été « primaire » plutôt que « secondaire ». Les sociétés que nous ciblons sont certes cotées en bourse, mais souvent elles ne sont pas (ou mal) couvertes par les analystes, raison pour laquelle nous effectuons toujours notre recherche d’idées et nos analyses en interne.

Au fur et à mesure que la taille du fonds a augmenté, nous nous sommes retrouvés à détenir de plus en plus de positions qui atteignent entre 5 et 10 % du capital des sociétés et nos interactions avec le management des différentes entreprises en portefeuille sont devenues progressivement plus « engagées ». Avec une participation plus importante, nous sommes devenus des actionnaires à plus long terme et certains managements ont même commencé à solliciter notre avis sur la communication et les options stratégiques de l’entreprise.

Une fois que nous sommes pleinement investis dans une société, nous avons tendance à mettre notre chapeau de « courtier » et à « vendre » l’action auprès de la communauté des investisseurs et à encourager les analystes à couvrir ces actions orphelines. Le moment où le marché commence à s’enthousiasmer pour un nouveau nom coïncide souvent avec le moment où nous proposons des blocs de nos titres à la vente pour à prendre de premiers bénéfices.

Au cours de cette période de près de 20 ans, le Private Equity s’est considérable développé et a bénéficié d’énormes afflux. Les bonnes performances ont suscité un grand enthousiasme pour la « magie » du Private Equity. Les fonds ont ainsi levé de l’argent plus vite qu’ils ne pouvaient l’investir et le secteur du Private Equity dispose aujourd’hui d’une réserve de « munitions » de USD 3.4 billions qui attend d’être investie. Ce chiffre est à comparer à des liquidités disponibles de USD 0.5 trillion lorsque le fonds Argonaut a été lancé en 2003. Depuis lors, les fonds de Private Equity de plus en plus importants font la queue lors d’enchères pour acquérir des cibles dont les valorisations sont de plus en plus élevées. Au cours de cette période, les multiples de valorisation sur le marché intermédiaire sont passés d’environ 6x l’Ebitda à 11x aujourd’hui.

Le modèle de création de valeur du Private Equity classique consiste à investir dans de bonnes entreprises à des valorisations attrayantes, à améliorer les performances opérationnelles, à inciter le management des entreprises à rationaliser l’activité, à utiliser l’effet de levier, à poursuivre une stratégie à long terme et, finalement, à se retirer à un multiple plus élevé par le biais d’une introduction en bourse. Le modèle reste intact, à l’exception des évaluations du prix d’achat du Private Equity, qui sont désormais plus élevées que celles des actions cotées en bourse.

Au cours des 19 années écoulées depuis le lancement du fonds, les multiples d’évaluation du fonds Argonaut sont restés dans une fourchette relativement constante et se situent toujours à 1.2x la valeur comptable et à un ratio PE de 13x les bénéfices nets de cette année et de 11x ceux de l’année prochaine. Les actions cotées se négociant à un prix inférieur à celui du Private Equity, la question se pose : Pouvons-nous reproduire une partie du modèle de création de valeur du Private Equity à travers un engagement constructif dans de petites entreprises cotées sous-évaluées dans lesquelles nous contrôlons une participation de 5-10% ?

Nous avons toujours entretenu des relations étroites avec les dirigeants, mais nous constatons également que les considérations ESG se sont devenues incontournables, ils sont désormais encore plus ouverts à entendre l’avis des actionnaires. Nous nous sommes également retrouvés à discuter davantage avec d’autres actionnaires afin d’unir nos voix, de les faire entendre et d’avoir des discussions de plus en plus directes avec les membres des conseils d’administration. Notre engagement a toujours été « constructif » et nous évitons le terme « activiste » car nous voulons préserver notre réputation positive dans les sphères des micro-capitalisations européennes en tant qu’investisseurs de long terme qui arrivent à contre-courant et font des suggestions positives d’amélioration. Cela permet de garder ouvertes les portes de notre univers européen.

6 meilleures pratiques

Notre approche a consisté à qualifier notre engagement d’ « encouragement aux meilleures pratiques » (best practices), ce qui souligne la nature positive de notre processus, et nous avons défini six domaines de meilleures pratiques sur lesquels nous concentrons nos efforts :

  1. Communication et engagement avec les acteurs du marché
  2. Améliorations opérationnelles – benchmarking du secteur
  3. Politique de développement durable / facteurs et considérations ESG
  4. Gouvernance / incitatifs du management
  5. Allocation des actifs – acquisitions, consolidation, ventes d’actifs, réduction de la dette…
  6. Politique de dividendes

Il existe une multitude de mesures qu’une société de Private Equity disposant d’un contrôle total sur une entreprise peut mettre en œuvre, mais il en existe d’autres que les actionnaires minoritaires peuvent également pousser à mettre en place. Le fruit le plus facile à récolter pour nous a toujours été la communication et l’engagement avec les acteurs du marché. Nous voulons aider l’entreprise à identifier, communiquer et mettre en avant la valeur cachée que nous avons identifiée. Nous ne prétendons pas avoir le pouvoir d’enseigner son métier au management des entreprises, mais nous avons constaté – par exemple – que le simple fait d’indiquer au management ce que les concurrents génèrent en termes de marge bénéficiaire opérationnelle a été un puissant moteur de changement positif en matière d’efficacité opérationnelle et d’allocation stratégique du capital. Nous avons souvent investi dans des entreprises sous-évaluées, avec des actifs cachés difficiles à comprendre parce qu’il y avait trop d’activités, avec l’idée qu’une entreprise plus rationalisée et plus ciblée serait mieux valorisée par le marché boursier.

Depuis le lancement du fonds Argonaut en 2003, nous encourageons les petites entreprises à devenir plus efficaces, à se rationaliser, à participer à la consolidation du secteur, à se concentrer sur leur activité et à verser des dividendes… ou simplement à communiquer plus ouvertement avec les investisseurs. Nous investissons souvent dans des sociétés familiales cotées en bourse qui ont un potentiel d’amélioration opérationnel. Notre engagement constructif peut ajouter de la valeur et contribuer à un changement positif… et, en fin de compte, faciliter notre stratégie de sortie.

 

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