Comment l’ESG peut faire la différence pour les petites capitalisations

Le monde de l’investissement durable a tendance à se concentrer sur les grandes entreprises. Cela s’explique facilement car elles ont des empreintes et des impacts beaucoup plus importants que les petites capitalisations. Cependant, nous pensons qu’il est dangereux et peu judicieux de laisser de côté les petites et moyennes entreprises, car une part importante du PIB mondial est entre leurs mains et qu’elles ont la capacité de répondre aux problèmes environnementaux et sociaux.

Bien que nous n’investissions pas dans de véritables PME, nous investissons dans de petites entreprises cotées en bourse. Ces entreprises sont généralement ignorées par le monde de l’investissement durable. En effet, la couverture ESG des sociétés européennes à petite capitalisation reste faible, en particulier pour les titres qui ne figurent pas dans les principaux indices. De fait, la couverture MSCI du fonds QCF (Lux) – Argonaut n’est que de 21%. Pour notre fonds QCF (Lux) – New Europe, axé sur l’Europe de l’Est, la couverture est de 16%.

Et même lorsqu’il y a une notation, elle est souvent biaisée par le fait que ce type d’entreprises tend à moins communiquer que les grandes. La fiabilité et la disponibilité des données constituent un problème majeur dans l’analyse ESG, et ce d’autant plus pour les petites entreprises qui disposent de budgets moins importants pour le reporting et la communication. Cela les désavantage donc dans les algorithmes de notation ESG. Nous rencontrons de nombreuses entreprises dans lesquelles le développement durable est ancré dans l’éthique et la stratégie, mais qui obtiennent de mauvaises notes ESG parce qu’elles ne fournissent pas encore le type de données dont les investisseurs et les agences de notation ont besoin pour estimer un profil ESG classique et établir des comparaisons efficaces avec leurs concurrents.

Nous nous attendons à ce que cette situation évolue dans les années à venir, grâce notamment à la réglementation. Environ 11 600 entreprises en Europe communiquent des données et des informations extra-financières depuis le lancement de la directive sur le reporting non financier en 2014. Cependant, une fois que la directive sur le reporting social des entreprises sera promulguée en 2023, 49 000 entreprises de l’UE seront tenues de produire un rapport.  Cette nouvelle directive précise de manière plus détaillée les informations que les entreprises doivent divulguer et présente de nouvelles exigences de reporting plus complètes. Les entreprises devront, entre autres, fournir des informations sur leur stratégie, leur modèle économique, leurs objectifs et l’engagement du conseil d’administration et de la direction. En outre, le rapport ESG devra être audité, ce qui rendra les données beaucoup plus fiables que par le passé. La première version de ces normes est en cours d’examen et les premiers rapports devraient être publiés en 2024.

Bien que l’évolution de la réglementation soit une étape très précieuse pour les investisseurs ESG, nous continuons à faire preuve d’un actionnariat actif (active ownership) et nous suggérons aux entreprises d’améliorer leur reporting. Depuis de nombreuses années, nous encourageons les entreprises à faire rapport au CDP (anciennement Climate Disclosure Project), en fournissant des informations importantes sur leur stratégie et leur gestion du climat. Ainsi, en 2021, nous sommes intervenus auprès de 12 entreprises à travers nos fonds de petites capitalisations européennes, dont 3 ont commencé à communiquer leurs informations au cours de l’année. Ces informations sont très précieuses pour notre analyse des entreprises.

Nous voyons également une opportunité pour le management des entreprises d’améliorer la communication sur les questions ESG. Par exemple, nous nous sommes rendu compte que les entreprises pour lesquelles nous votions lors de l’assemblée générale annuelle n’étaient pas au courant des recommandations que les fournisseurs de services de vote par procuration donnaient aux investisseurs. Bien que l’indépendance des agences soit louable, il est regrettable de ne pas savoir s’il y a opposition et ce qui la motive. Si le management d’une entreprise n’a pas la possibilité de comprendre pourquoi certains actionnaires ont voté contre les résolutions proposées, ces votes minoritaires ont peu de chances de susciter des changements futurs. Avant les assemblées générales, nous avons donc l’intention d’informer de plus en plus le management des entreprises des recommandations des agences de vote par procuration, de la manière dont nous avons l’intention de voter et des raisons de ce vote.  Le fonds QCF (Lux) – Argonaut a voté contre les propositions de management des entreprises dans 16.7 % des cas en 2021.

Dans notre expérience, les petites entreprises européennes ont un intérêt sincère à comprendre les attentes des investisseurs et veulent améliorer leurs actions et leurs communications sur les questions ESG. Nous sommes convaincus de pouvoir aider les entreprises et continuerons à augmenter nos actions dans ce sens. Nous le faisons d’autant plus volontiers que les petites entreprises ont la capacité de mettre rapidement de nouvelles mesures en place dès que celles-ci sont décidées.