Quand l’ESG s’invite aux assemblées générales

Cet article de Georgina Parker a été publié sur le site financier Allnews.

La saison des assemblées générales bat son plein. Et les investisseurs y votent davantage sur les questions soulevées par les actionnaires.

Nous sommes au milieu de la saison des assemblées générales (AG) et nous voyons de plus en plus de questions environnementales et sociales apparaître sur les ordres du jour. Les AG représentent une occasion très précieuse pour les actionnaires d’interpeller le conseil d’administration, d’utiliser leurs voix lors des votes et de s’opposer à des structures de gouvernance faibles ou inadéquates.

L’intérêt pour l’investissement durable ne cesse de croître. Or, si l’investissement dans des entreprises plus durables est louable et constitue un choix intéressant à long terme, c’est en influençant les entreprises par le biais du vote et de l’engagement (ce que les anglo-saxons appellent le «Stewardship») que la finance durable a la possibilité de modifier le cours des affaires dans un sens plus durable.

Les changements de réglementation ont permis aux actionnaires d’exercer une plus grande influence sur les entreprises dans lesquelles ils investissent.

La réglementation «Say on Pay» au Royaume-Uni, en Allemagne, aux Etats-Unis et sur d’autres marchés, par exemple, garantit aux actionnaires le droit de voter sur la rémunération des dirigeants. Bien que ces votes soient non contraignants, une opposition majoritaire entraîne très souvent une réflexion du comité de rémunération et mène à des modifications des plans de rémunération.

A mesure que les asset managers adoptent une gestion ESG, nous pourrions voir davantage de votes de protestation de la part des actionnaires. Notamment, pour sensibiliser les conseils d’administration qui ne prennent pas suffisamment en compte le changement climatique ou pour les questions qui touchent à la diversité. Il est important que ces sujets suscitent des débats afin que les entreprises comprennent pourquoi les actionnaires protestent, afin de réagir et s’adapter à l’avenir.

Beaucoup de propositions mais encore peu d’adhésion…

De plus en plus, les investisseurs ont la possibilité de voter sur des questions soulevées par les actionnaires, qu’il s’agisse des droits civils, de la diversité au sein du personnel, des conditions de travail, du respect de la biodiversité ou de la communication sur les actions en matière de frein au changement climatique. Leur nombre augmente (jusqu’ici on en a noté une augmentation de 22% aux États-Unis en 2022) et cette tendance devrait se poursuivre. Cependant, il semble que la plupart de ces propositions récolte encore peu d’adhésion. En effet, selon ShareAction, seule une résolution environnementale sur trois a reçu un soutien majoritaire en 2021. Ce chiffre est toutefois plus élevé que précédemment, puisque seulement 22% d’entre elles recevaient un soutien majoritaire en 2016, selon Bloomberg Intelligence.

Bien que les dirigeants d’entreprise ne soient pas légalement tenus de mettre en œuvre les propositions d’actionnaires – même si elles reçoivent un soutien majoritaire – environ deux tiers des résolutions qui obtiennent un soutien de 30 à 50% amènent les entreprises à répondre partiellement ou totalement aux demandes, selon une étude de BlackRock.

Les défis actuels en matière d’approvisionnement énergétique liés au conflit ukrainien vont influencer de nombreuses décisions de vote à l’avenir.

Aux Etats-Unis, cette semaine, les propositions d’actionnaires de trois grandes banques leur demandant de cesser de financer les combustibles fossiles ont obtenu moins de 13% des votes des actionnaires. Ce résultat est extrêmement décevant mais nous sommes convaincus que la question restera à l’ordre du jour pendant de nombreuses années. Nous pensons également que les défis actuels en matière d’approvisionnement énergétique liés au conflit ukrainien vont influencer de nombreuses décisions de vote à l’avenir.

Il y a cependant de nombreux points positifs.

Holcim est devenu le premier producteur de ciment à soumettre un rapport sur le climat et à organiser un vote consultatif pour les actionnaires sur sa stratégie climatique. Le mois dernier, UBS a reçu le soutien de 75% de ses actionnaires pour son plan climatique, qui comprend un objectif de réduction de deux tiers du financement des combustibles fossiles d’ici 2030.

Dans d’autres registres, Salesforce a adopté une interdiction des accords de non-divulgation dans les contrats de ses employés aux Etats-Unis. Coca-Cola a, quant à lui, accepté de favoriser les bouteilles réutilisables au sein des compagnies du groupe.

Dans l’ensemble, l’activité de «Stewardship» des asset managers augmente de manière significative. Les conseils d’administration sont davantage tenus de rendre compte de leurs actions sur les questions ESG, les propositions d’actionnaires remettent en cause les décisions des entreprises. Même si les progrès sont lents, nous constatons que le «Stewardship» peut avoir un réel impact sur la direction stratégique des entreprises.