Retour sur l’été 2024 et les points-clé pour les marchés d’ici la fin de l’année

Retour sur l’été 2024

Les évolutions macroéconomiques

La situation macro s’est globalement dégradée durant l’été avant de se stabiliser en septembre. Le ralentissement de l’activité est plus net dans les pays développés (Etats-Unis, Europe) et la Chine. Néanmoins, la croissance mondiale se maintient sur des niveaux satisfaisants proches de 3% (en PPA) au T3 selon le PMI composite d’août.

Aux Etats-Unis, les signes de ralentissement se sont multipliés :

  • baisse de la confiance des ménages et des industriels avec un PMI manufacturier à son plus bas niveau depuis le début d’année ; et surtout
  • ralentissement évident du marché de l’emploi : faiblesse des créations d’emplois (116k en moyenne mensuelle sur 3 mois), remontée du taux de chômage (4.2% vs 3.4% en avril 2023).

Cela a alimenté les craintes d’un « not so soft landing », voire d’un « hard landing », d’où un rally obligataire puissant.

En Zone euro, les surprises macro ont baissé et le début du T3 apparaît poussif (contraction des ventes au détail et de la production industrielle en France et en Allemagne en juillet). La nouvelle dégradation des PMI manufacturiers en août incite à la prudence, d’autant que le rebond de l’indice PMI composite européen ne s’explique que par le bond de l’indice des services en France dans le sillage des JO.

De son côté, la désinflation s’est approfondie (3% aujourd’hui au niveau mondial).  En août l’inflation américaine a progressé de 2.5% sur 1 an (sa plus faible progression depuis janvier 2021) après 2.9% en juillet (+3.2% pour l’inflation sous-jacente). Globalement, la robustesse des gains de productivité, la modération salariale (3.8% en août) et la faiblesse des prix de l’énergie plaident pour une poursuite du mouvement. L’inflation totale devrait ressortir à 2.5% au T4 2024 et à 1.9% au T2 2025 (consensus : 2.6% et 2.1%).

Dans cet environnement, la Fed a décidé d’entamer sa détente monétaire par une baisse de 50pb à 5.0% (borne haute) le 18 septembre. Au-delà de la 1ère dissension au sein du Board depuis 2005, les justifications à l’ampleur de cette baisse ne sont pas évidentes à trouver dans les nouvelles projections de la Fed en termes de croissance ou d’inflation (révision en légère baisse du déflateur sous-jacent des dépenses de consommation à 2.6% en 2024 et 2.2% en 2025) ni dans le communiqué du FOMC et/ou le discours de Powell.

La BCE a poursuivi quant à elle sa détente entamée en juin, mais sans prise de risque excessive (-25pb) et en maintenant une rhétorique dure sur l’inflation.

Politique

Sur le plan politique, l’été a été marqué par le retrait de Joe Biden de la course présidentielle le 21 juillet au profit de Kamala Harris. Cela s’est accompagné d’un net redressement des sondages en faveur de la candidate démocrate, à la fois au niveau fédéral et à celui des 7 Etats clé (au 18 septembre, K. Harris est en avance sur D. Trump dans le Wisconsin, le Michigan et le Nevada, au coude-à-coude en Géorgie et Pennsylvanie et en net retard en Arizona). Bref rien n’est joué, mais dans tous les cas, cette élection aura des répercussions en termes de croissance et d’inflation avec une impulsion budgétaire plus importante sous Trump.

En Europe, les effets du risque politique français sont restés assez localisés. Bien que l’incertitude se soit modérée post élections et nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre, elle reste suffisamment puissante pour alimenter la prime de risque française. De fait, le paysage politique est très fragmenté alors que les discussions sur le budget doivent s’ouvrir début octobre.

Quid des marchés ?

Après avoir atteint des sommets mi-juillet, les actions mondiales ont commencé à baisser avec la montée des craintes sur l’économie US avant de brutalement chuter début août (rapport emploi/débouclage des positions de carry trade). Depuis, le repricing des attentes de baisse de taux a été important, initiant une détente importante des rendements principalement tirée par la partie courte et le taux réel (au moins aux Etats-Unis). Dans ce contexte, malgré une remontée de la volatilité, le rebond des actions a été puissant (10% du creux à aujourd’hui). Parallèlement, le dollar a baissé, notamment contre l’euro (quasiment 4% en 3 mois à 1.12). Le pétrole a chuté (-12% en 3 mois) revenant à 74 dollars, les craintes conjoncturelles l’emportant nettement sur les considérations géopolitiques ou l’OPEP.

Sur les marchés de taux, avec la hausse de l’incertitude entourant la dynamique US, les attentes de baisse des taux Fed funds se sont accrues et les rendements souverains ont chuté. Et ce, de façon plus importante aux Etats-Unis qu’en Zone euro, plus marquée sur la partie courte et essentiellement tirée par la partie réelle au moins aux Etats-Unis (-45pb vs +16pb en France). Au total, depuis 3 mois, en termes nominaux, le T-note 2 ans chute de plus de 110pb à 3.58% (vs un pic à 5% en avril dernier) soit quasiment 2 fois plus que l’OAT 2 ans (-65pb à 2.44%). Sur la partie longue, le T-note 10 ans recule de 50pb à 3.71% vs -26pb pour l’OAT 10 ans à 2.93% conduisant à une nette pentification de la courbe. Sur le marché du crédit corporate européen, la performance depuis 3 mois a été robuste entre baisse des rendements souverains et compression des spreads. Le maintien d’un appétit pour le risque élevé a permis au spread HY de surperformer nettement (-50pb vs -11pb pour le spread IG). Actuellement, les spreads de crédit sont cohérents avec des taux de défaut d’environ 2 à 2.5%, tant aux Etats-Unis qu’en Zone euro (soit 2 à 3 pts de moins que les niveaux actuels). Le marché price donc encore très largement l’idée du soft landing. Cela se reflète également dans la nette détente du spread des bancaires vs les obligations corporate avec la disparition de la prime constituée à l’été 2022.

Sur le marché des changes, les mouvements ont été très significatifs depuis le début de l’été, entre confirmation de l’entame de la détente de la Fed, de la normalisation de la BoJ et le débouclage des positions de carry trade. Dès lors, le dollar effectif réel a baissé de 3.5% depuis son pic de début juillet. Sur 3 mois, l’euro s’est apprécié de quasiment 4% à 1.12 dollar. En Chine, le yuan a progressé de 2.7% (repassant sous les 7.10). Au Japon, avec une banque centrale à contre-courant et alimenté par le débouclage des positions de carry trade, le yen a bondi de 10% sur 3 mois à 142 (vs 160 début juillet).

Sur les marchés actions, malgré la montée des doutes entourant le secteur de la tech, la violente correction début août (qui a vu le Topix plonger de 20% et le MSCI monde de 6% en dollars du pic au creux) et plus généralement la hausse de la volatilité (avec un pic de la Vix à 60), l’approfondissement des attentes de baisse de taux et la confirmation du scénario de soft landing aux Etats-Unis ont permis aux actions mondiales de progresser de 4.3% sur 3 mois et de 10% depuis le creux du 5 août. Observons que cette hausse intègre l’impact de la détente de 50pb de la Fed, un facteur de soutien important aux actions sous l’hypothèse d’absence de récession aux Etats-Unis. En devises locales, le S&P 500 affiche une hausse de 4.1% sur 3 mois vs 1.2% seulement pour l’eurostoxx et 0.6% pour le CAC 40 qui porte toujours les stigmates de la dissolution. Mais en devise commune, les performances sur la période sont quasiment équivalentes. Dans le reste du monde, le Topix japonais termine en baisse (-4.1% sur 3 mois) pénalisé par la nette hausse du yen. Dans un contexte a priori favorable de détente des conditions financières mondiales, les marchés émergents ont globalement déçu : -0.9% pour le MSCI émergents en devises, malgré une nette surperformance du Brésil. Le MSCI Chine en revanche recule à nouveau fortement (-5.1% en dollars) pénalisé par le ralentissement de l’activité et l’absence de réaction budgétaire des autorités.

Sur le marché des matières premières, malgré la hausse continue de l’or et le redressement des matières premières agricoles en fin de période, les prix ont globalement baissé depuis 3 mois, largement pénalisés par le prix du pétrole. Le Brent a chuté de quasiment 20% du pic en juillet au creux mi-septembre à 69 dollars le baril. Cette chute s’explique principalement par le ralentissement de la croissance aux Etats-Unis, mais également en Chine. Depuis, le prix du Brent s’est redressé à 74 dollars le baril : atténuation des craintes entourant la croissance américaine avec la baisse proactive de 50pb de la Fed et hausse des tensions au Moyen Orient entre Israël et le Hezbollah. A contrario, l’or a connu une hausse quasi constante : 11% sur 3 mois et de 25% depuis le début de l’année pour atteindre de nouveaux records historiques en termes nominaux et retrouver son point haut du début des années 80 en termes réels à quasiment 2 600 dollars l’once. Les vecteurs de cette hausse sont multiples (baisse des taux réels et du dollar, maintien des incertitudes géopolitiques, achats des banques centrales et des ménages chinois).

Les points-cléS à regarder pour les prochains mois

Nous ne voyons pas pour le moment de risque majeur sur le cycle, mais au cours des 3-6 prochains mois, le marché va évoluer au gré des incertitudes entre le scénario de soft landing et celui d’un ralentissement plus net. De son côté, la désinflation se poursuivra, assez clairement aux Etats-Unis, plus laborieusement en Europe.

Sur le plan monétaire : beaucoup de choses sont désormais intégrées dans les attentes, ce qui limite le risque de surprises. Les attentes de baisse de taux apparaissent modérément optimistes aux Etats-Unis. C’est l’inverse en Zone euro.

Politique internationale et géopolitique

Bien évidemment, les élections américaines du 5 novembre vont constituer « l’évènement » du 2ème semestre. Il faudra notamment porter une grande attention à la composition du Congrès. N’oublions pas que l’essentiel des décisions, à l’exception de la politique étrangère, commerciale, d’une partie de la politique de l’immigration et de la défense, ont besoin de son accord. Et les choses semblent en l’état très serrées avec toutefois une remontée dans les sondages des Démocrates à la Chambre depuis le retrait de Biden. Sachant qu’historiquement, les votes à la Chambre et à la Présidentielle vont souvent dans le même sens. Globalement, Harris, est plus la candidate du marché obligataire que du marché des actions. Son élection se traduirait aussi par un dollar probablement un peu plus faible (davantage de baisses de taux de la Fed dans un contexte de réduction du déficit budgétaire). Enfin, pour un investisseur européen, une élection de Harris serait, en termes relatifs, moins défavorable aux marchés actions européens vs US qu’une élection de Trump, du fait de l’absence de relèvement des droits de douane.

En France, bien que la nomination de Michel Barnier au poste de Premier ministre a mis un terme à des semaines d’incertitude, la prime de risque française reste conséquente et les discussions sur le budget vont s’ouvrir dans un paysage politique très fragmenté.

Et ce, dans un contexte de dégradation marquée des finances publiques (déficit public de 5.5% du PIB en 2024 soit un effort de 110 mds pour revenir à 3% de déficit en 2027, sous hypothèse de croissance nominale de 2.7% et de taux apparent de 2%) et de risque réel de dégradation de la notation souveraine française par Fitch et Moody’s le 26 octobre (29 novembre pour S&P qui avait dégradé la note française de AA à AA- fin mai/début juin). Bref, la prime de risque française apparaît durable. Il ne faut pas tabler sur un retour sur ses niveaux de 2016-2019 et le risque reste asymétrique haussier au regard du spread actuel de l’OAT – Bund qui, à 74pb, se maintient dans la borne basse de notre fourchette d’estimation raisonnable 70-90pb

Sur le plan géopolitique, les tensions qu’elles soient commerciales et/ou militaires sont appelées à durer et probablement s’intensifier.

  • les tensions commerciales avec la Chine vont s’intensifier aussi bien aux Etats-Unis (notamment en cas de victoire de Trump avec une hausse potentielle des droits de douanes à 60%) qu’en Zone euro
  • la guerre d’Ukraine ne montre pas de signe de fin proche
  • une possible intensification des tensions entre Israël et l’Iran, que le marché n’intègre pas (même si nous ne croyons toujours pas à un choc majeur sur les prix du pétrole et donc sur l’activité)

Sur les marchés financiers, malgré l’action proactive de la Fed indubitablement favorable aux actifs risqués sans récession, l’évolution de la croissance proche du potentiel présente plus de risque de volatilité pour les actions (soft landing or not so soft landing).

A court terme, sur les marchés de taux, les rendements sur l’ensemble de la courbe ont déjà nettement baissé. Les anticipations de baisse de taux courts semblent optimistes (toujours quasiment 3 baisses envisagées d’ici décembre, 40% d’anticipation d’une baisse de 50pb en octobre prochain) aux Etats-Unis. Le risque est celui d’un léger repricing haussier dans le cadre notre scénario de soft landing. Au-delà, la tendance reste à la modération dans un contexte de ralentissement de la croissance nominale.

Sur les marchés actions, la hausse a été importante et les valorisations ont nettement rebondi. En outre, les attentes de BPA 2025 (respectivement 15% aux Etats-Unis et 10% en Zone euro) semblent optimistes et risquent d’être revues à la baisse. Et ce, en particulier en Zone euro où les attentes de croissance macro du consensus pour 2025 à 1.3% semblent irréalistes, mais également aux Etats-Unis où une victoire de K. Harris s’accompagnera d’un risque de resserrement fiscal.

Quid de la tech ? Prudence à court terme, même si les perspectives de long terme restent porteuses. Les attentes de BPA 2024 et 2025 restent élevées (environ +20%) et risquent d’être revues en baisse alors que les investisseurs ont probablement surestimé à court terme l’impact de l’IA sur les résultats des entreprises (autres que les fabricants de puces) et que le cycle macro ralentit. Dès lors, malgré la baisse des taux réels US et la détente de la Fed, les valorisations (PE à 26.5x) restent encore trop élevées au vu des facteurs de risque : risque d’une régulation accrue, quel que soit le vainqueur de la présidentielle US (un peu plus mesuré en cas d’élection de Trump) et risque fiscal en cas d’élection de Harris (hausse à 21% du taux d’imposition des profits réalisés à l’étranger).