Surperformance des actions européennes : stop ou encore ?

La forte surperformance des actions européennes (Eurostoxx large) entre le début septembre 2022 et le début mars est relativement impressionnante. En devise locale, l’EuroStoxx a surperformé le S&P500 de près de 19% ; la surperformance est encore plus marquée en euros (25%) en raison de l’appréciation de l’euro sur la période.

Sur un plan technique, cela a été la résultante de 3 phénomènes : une hausse des P/E relatifs, des BPA relatifs et de l’euro vs dollar.

Sur le fond, la surperformance a été due à une hausse relative des surprises macro-économiques réelles avec la baisse du risque de récession en zone euro, un recul un peu plus marqué des surprises d’inflation que les Etats-Unis et un repli du risque politique relatif. En outre, il faut rappeler que le marché européen est plus exposé au cycle mondial et son bêta est plus élevé. Dans ce cadre, la thématique de la reprise chinoise (depuis l’abandon de zéro-Covid au début décembre) lui a plus bénéficié.

Cette surperformance a aussi plus directement reflété des effets sectoriels. 90% de la surperformance hors effet change depuis le début septembre s’est expliqué par un effet sélection (ie: au sein d’un même secteur, les entreprises européennes surperforment leurs homologues américaines). L’effet allocation (lié à la différence de poids des secteurs) a en revanche été très faible; il n’a concerné que le luxe, les industrielles et les matériaux et même dans ces secteurs, il n’a pas été très significatif.

L’effet sélection a été assez largement réparti ; il a concerné plus particulièrement les valeurs automobiles (Mercedes), du luxe (LVMH), les financières (Banco Santander, Unicredit, Allianz), les industrielles (Siemens), et même les valeurs technologiques (SAP).

Quid de la suite ?

Il y a de quoi être sceptique quant à la poursuite de la surperformance du marché européen. Pourquoi ?

D’abord, parce que le potentiel de surprises macro réelles et d’inflation s’épuise en zone euro. Ensuite, parce que l’incertitude politique relative a peu de chances de poursuivre son amélioration compte tenu de la situation en Ukraine.

En outre, la surperformance depuis 6 mois est déjà substantielle eu égard aux phases similaires du passé depuis 35 ans, comparable en ampleur sinon en durée (cf. tableau ci-dessous).

Phases de surperformance notable de l’Eurostoxx vs. le S&P 500 (en prix et monnaie locale)

Début Fin Surperformance de l’Eurostoxx vs. S&P 500
(en monnaie locale)
Surperformance de  l’Eurostoxx vs. S&P 500
(en monnaie commune)
Euro vs USD Durée (mois)
29/01/1988 20/04/1990 34% 35% 0% 27
18/12/1992 12/05/1994 45% 31% -9% 17
25/11/1996 04/08/1998 36% 16% -15% 20
05/10/1998 07/03/2000 50% 20% -20% 17
12/03/2003 11/04/2007 42% 73% 22% 49
18/06/2012 28/12/2012 15% 21% 5% 6
12/11/2014 13/04/2015 24% 5% -15% 5
06/07/2016 05/05/2017 16% 15% -1% 10
Moyenne 33% 27% -5% 20
Médiane 35% 21% -9% 17
01/09/2022 28/02/2023 19% 27% 7% 6

Source : Datastream, Les Cahiers Verts

Ajoutons que la décote vis-à-vis des Etats-Unis s’est nettement réduite et la prime de risque s’est plus fortement comprimée en Zone Euro ces derniers mois.

Parallèlement, il y a une forme d’optimisme sur les anticipations de court et moyen terme de la part des analystes sur la Zone Euro. Le momentum des révisions baissières de BPA a été en particulier plus faible qu’aux USA et au Japon.

Et ce, alors même que les marges ne se sont pas réellement ajustées (sauf légèrement les Big Caps), contrairement aux USA et au Japon.

Au total, les prévisions des analystes européens tablent sur une croissance des BPA de +2% en moyenne sur 2023, alors qu’une hypothèse de légère contraction nous paraît plus plausible en l’état : la croissance des chiffres d’affaires toujours satisfaisante serait compensée par une compression des marges et une légère hausse de l’euro.

Autant dire qu’il est préférable, toutes choses égales par ailleurs, de procéder à une allocation géographique plus diversifiée à horizon des prochains mois ou, à tout le moins, plus réduite en actions européennes.