Transition climatique : quelques enjeux cruciaux

Le lien entre réchauffement et émissions de gaz à effet de serre (GES) est peu contestable et l’opinion publique mondiale en a pris conscience. Le CO2 représente les trois quarts des émissions de GES, même si la part du méthane était en augmentation ces dernières années.

Les impacts macroéconomiques négatifs du réchauffement climatique sont évidents, avec une augmentation des catastrophes naturelles et des dommages économiques de plus en plus importants. Parallèlement, on sait qu’en cas d’inaction, les effets sur la croissance du PIB seraient négatifs (autour de -2.5 points de PIB par tête à horizon 2050 au niveau mondial), quoique différenciés selon les pays. Les coûts du réchauffement sont en effet multiples : chocs climatiques extrêmes (inondations, canicules, feux de forêt géants, perturbation des moussons, sécheresses, …) ; disparition de terres agricoles cultivables et insécurité alimentaire ; remontée du niveau de la mer (érosion des côtes, submersion marine, salinisation des sols, réduction de l’activité côtière) ; augmentation des risques démographiques (migrations climatiques) et environnementaux (atteintes à la biodiversité).

Pour autant, les émissions continuent de progresser rapidement, celles de la Chine et de l’Inde faisant notamment plus que compenser la réduction observée dans les pays développés.

Il est donc indispensable de poursuivre – voire d’accentuer – les efforts engagés pour réduire les émissions en tendance et de passer, pour la première fois dans l’histoire, d’une logique additive à une logique de substitution en matière de ressources énergétiques, sachant par ailleurs que le réchauffement est lié au stock de gaz et non aux flux d’émissions.

Ne soyons pas pour autant excessivement négatifs. La neutralité carbone reste à portée de main en raison notamment de la chute du coût des énergies renouvelables qui les rend compétitives (progrès technique et économies d’échelle), de l’amélioration des dispositifs de stockage de l’énergie (e.g. solaire et éolien grâce aux piles à combustible), de la réorientation spectaculaire de l’industrie automobile et des progrès des diverses formes de sobriété (développement des mobilités douces, réduction de la consommation de viande rouge dans les pays riche, réduction des emballages plastiques, développement du recyclage…).

La transition vers les énergies renouvelables peut évidemment être encouragée par l’action publique. En particulier, pour conduire les entreprises à internaliser les externalités, les pouvoirs publics disposent de 3 catégories d’instruments : la réglementation, les incitations économiques et la création de marchés d’échange de droits à polluer.

Il faut toutefois avoir conscience des difficultés de l’action politique en matière de lutte contre le réchauffement, avec entre autres :

  • Le problème de la double adéquation intergénérationnelle et internationale (nécessité de la justice climatique)
  • La nécessité d’une forte crédibilité à moyen terme (comme pour les banques centrales) pour orienter les choix privés, tout en favorisant pas trop brutalement les ajustements nécessaires et, surtout, la décarbonisation de l’économie.
  • La nécessité d’une action tous azimuts : il s’agit non seulement d’assurer la transition énergétique mais également d’assurer une transition agroécologique.

Notons par ailleurs que les mesures publiques permettant de réduire les impacts du réchauffement peuvent être favorables à l’activité et à l’emploi, même si les projections sur la croissance à horizon des prochaines décennies sont toutefois trop positives. Ces dernières se focalisent en effet sur le flux d’investissement brut dans les énergies renouvelables et ne prennent pas suffisamment en compte les difficultés éventuelles de financement, l’impact négatif sur les finances publiques ou encore l’impact inflationniste. Surtout, elles ne raisonnent pas toujours en investissement net ; or, il faut tenir compte également du désinvestissement des industries carbonées, qui n’a commencé nulle part, ni dans les pays producteurs d’énergies fossiles, ni dans les pays consommateurs.

Ajoutons que la transition climatique va aussi se traduire par des impacts récessifs sur les qualifications, brevets et valeur des actifs. Elle va aussi produire des réallocations complexes entre qualifications, secteurs et régions.

Enfin, il faut garder à l’esprit les aspects géopolitiques. La transition énergétique réduit la dépendance à l’OPEP et à la Russie, mais elle accroît celle à la Chine et/ou à des pays instables politiquement, notamment via l’accès aux métaux stratégiques (e.g. lithium, cobalt, terres rares…) très utilisés dans les batteries, les panneaux photovoltaïques, les éoliennes, etc.