10 thèmes d’investissement pour 2024

1. Emergence de TARA, après la fin de TINA

Le choc inflationniste de 2021-22 a favorisé l’émergence d’une corrélation entre actions et obligations dans le mauvais sens (recul à la fois des actions et des obligations). La désinflation de 2023 a d’ores et déjà permis une modération de cette corrélation et les produits de taux et actions sont devenus de nouveau diversifiants. Nous sommes passés progressivement d’une logique de fin de TINA (There Is No Alternatives), avec l’attractivité des produits monétaires, à une logique de TARA (There Are some Reasonable Alternatives).

2. Baisse des taux et choix sectoriels

L’événement principal de la fin d’année 2023 a été le puissant rally obligataire d’octobre-décembre 2023. Il a été provoqué par plusieurs facteurs (pic du taux des fed funds et anticipations de baisses futures du taux directeur américain, surprises de désinflation, ralentissement de la croissance réelle et nominale américaine, …). Il faut aussi rappeler que la correction obligataire antérieure était quelque peu déconnectée des fondamentaux macro et alimentée par des facteurs techniques (vente de duration, ajustements imposés par les modèles VAR par des investisseurs institutionnels américains, …). Sans doute ce rally obligataire a-t-il été excessivement violent et profond, ce d’autant qu’il reste des incertitudes sur le taux long réel d’équilibre aux Etats-Unis. Il reste que la baisse des taux longs nominaux n’est pas (encore) totalement terminée si l’on se projette sur l’ensemble de 2024. Les choix sectoriels qui en découlent, dans un environnement de soft landing, sont les suivants selon nous :

  • Long Growth/Value & defensive quality
  • Long utilities, services télécoms, staples
  • Long tech
  • Long foncières cotées

3. Baisse des taux et opportunités sur l’immobilier

Le recul de l’immobilier est quasi-exclusivement dû au choc de taux d’intérêt que nous avons connu depuis plus de 2 ans. Aujourd’hui, le choc de taux est derrière nous et les conditions de crédit se dégradent moins désormais. Pour les foncières cotées, dont la valorisation est presque instantanément liée aux taux d’intérêt, l’effet est immédiat. Pour l’immobilier non coté, il y a évidemment plus d’inertie. Néanmoins, la chute des taux augure d’une reprise (sans nouvelle dégradation de la conjoncture pour l’immobilier commercial) des transactions et d’une stabilisation des prix plus rapidement qu’envisagé antérieurement.

4. Baisse des taux et convertibles

L’essentiel de 2023 a vu, comme pour le crédit, une stabilisation de la situation des convertibles : hausse de taux pénalisante vs soutien via la hausse des actions. Il reste que le moteur principal de la performance des convertibles est l’évolution des actions et, dans une moindre mesure, le régime de volatilité. L’idéal pour la classe d’actifs serait une configuration de marchés actions haussiers et volatils, sachant que la volatilité est aujourd’hui excessivement faible.

Sur le plan technique, la convexité est bonne avec un delta faible tant aux Etats-Unis qu’en zone euro.

5. Résilience du Private Equity

2022 et 2023 ont constitué des années plutôt difficiles pour le Private Equity (valeur des opérations et performance ajustée de la volatilité). Certains ont pu en conclure que l’attractivité de cette classe d’actifs serait durablement affectée par la hausse des taux d’intérêt, compte tenu d’un double excès en termes de valorisation et de levier. En fait, les données les plus récentes ne montrent pas de tels excès par rapport aux cycles précédents. La hausse passée des taux d’intérêt ne remet pas en cause l’intérêt de la classe d’actifs selon nous (possibilité d’investir dans des entreprises à différents stades du cycle de croissance, meilleure gestion du timing d’un investissement actions, bonne conformité avec les stratégies de « Dollar cost averaging », alpha non négligeable, …). Tout au plus les évolutions de 2022-23 vont-elles accélérer la dispersion de performance des fonds. Dans ce cadre, on peut penser qu’il faudra (a) privilégier pour l’avenir les fonds qui présentent des décotes par rapport à la NAV, (b) éviter les fonds à effet de levier trop important, (c) éviter les fonds dont la gestion de la couverture de taux (compte tenu des taux variables pratiqués dans les leveraged loans et CLO) est insatisfaisante.

6. Résilience des infrastructures

Il y a matière à penser que, quelle que soit l’évolution des taux, les infras constitueront encore en 2024 une classe d’actifs résiliente à une pluralité de scénarios. Pourquoi ? Ce sont des actifs tangibles à longue durée de vie qui garantissent une source de revenus récurrents à long terme (contrats de concession longs) et qui bénéficient par ailleurs d’une demande relativement inélastique ainsi que de barrières à l’entrée élevées. Sans oublier la législation qui limite généralement le risque politique (garanties publiques). Sachant par ailleurs que l’impulsion politique tant aux Etats-Unis qu’en Europe (avec également l’Inde et la Chine) reste favorable et que les besoins restent substantiels, certaines composantes revêtant une importance vitale pour la société (transition énergétique et numérique, eau, …).

7. Le retour des small caps européennes

Les small caps ont subi un derating extrêmement puissant en 2022 et 2023. La sous-performance des small caps a été largement supérieure à ce que suggérait la macro domestique européenne. Ajoutons que les prévisions de croissance des BPA à long terme sont très basses et que la stabilisation de l’euro-dollar devrait constituer un facteur positif par rapport aux big caps.

Il ne faut pas oublier non plus que l’intérêt des small caps pour l’investisseur apparaît assez net en début de cycle. Rappelons enfin que, dans le cadre d’une gestion actions européennes, l’indice mid caps Europe est géographiquement nettement plus diversifié que l’indice MSCI Europe.

8. Vulnérabilité des « 7 Magnifiques »

2023 a vu une extrême concentration de la performance du marché américain des actions sur les « Magnificent Seven » (Amazon, Apple, Alphabet, Meta, Microsoft, Nvidia and Tesla) qui ont contribué aux trois quarts de la performance de l’indice.

Cette concentration ne signifie pas nécessairement vulnérabilité particulière du marché et encore moins bulle boursière.

Il n’y a pas d’anomalie évidente sur les valorisations de la tech en général en première approche. Tout au plus observe-t-on des anticipations de croissance de BPA de moyen terme très élevées, ce qui pourrait se révéler problématique dans un avenir plus lointain.

Quant à la prime des Magnificent Seven par rapport au reste de la tech ou de la cote, elle semble assez élevée en première approche, sans être extravagante et elle nous paraît au moins en partie justifiée par l’écart de résultats.

Il y a néanmoins plusieurs risques s’agissant des 7 Magnifiques. D’abord, compte tenu des attentes de résultats élevées, la moindre déception pourrait se révéler problématique. Ensuite, ces valeurs font l’objet d’une très forte exposition des hedge funds, ce qui est un vecteur de vulnérabilité. Par ailleurs, il y a le risque de régulation sur l’intelligence artificielle sur laquelle les 7 Magnifiques sont très exposées, ce qui amoindrirait sensiblement les perspectives de marges alors que les analystes sont très optimistes à cet égard. Il vaut donc sans doute mieux, par prudence, revenir à une position de neutralité des Magnificent Seven au sein de la tech américaine.

9. Le retour de Trump

Le 5 novembre 2024 est encore une échéance lointaine. Mais nous pensons que cette thématique va affecter les marchés tout au long de l’année, à partir des premières étapes des primaires dès le début 2024.

Concentrons-nous sur les aspects uniquement économiques et boursiers d’une ré-élection de Trump. Qu’on le veuille ou non, le bilan du 1er mandat de Trump fut globalement satisfaisant. Cela s’est traduit par un grand pragmatisme des normes de politique économique : sa relance budgétaire et fiscale en 2017-18 a notamment eu des effets positifs sur l’investissement et la productivité. Et dans l’ensemble, son bilan (en excluant l’année 2020 affectée par Covid-19) est d’ailleurs en moyenne supérieur à celui des 2 mandats d’Obama (en excluant le 1er semestre 2009 encore marqué par la grande crise financière) en termes de croissance, productivité, emploi, investissement dans la tech, …

Une victoire de Trump aurait des implications directionnelles tranchées. Il faudrait sans doute jouer l’exceptionnalisme américain (surpondération des actions américaines vs. actions européennes, creusement du spread transatlantique entre les T-bonds et le Bund allemand, hausse du dollar). Dans les actions, une position short sur la thématique ESG et énergies renouvelables vs un long pétrolières & gaz, healthcare ainsi que valeurs d’armement serait sans doute approprié.

10. Réindustrialisation de l’Occident

On observe depuis quelques années l’arrêt du long processus d’approfondissement de la chaîne de production mondiale ainsi qu’un léger rebond de l’activité industrielle dans le monde développé en part du PIB.  Les forces poussant à la réindustrialisation de l’Occident constituent des phénomènes puissants : (a) convergence en termes de niveau de vie et de revenus au niveau mondial (hausse des coûts salariaux dans les pays émergents) ; (b) automatisation du processus de production ; (c) fin de la baisse des coûts de transport au niveau mondial ; (d) tensions géopolitiques.

Certaines décisions politiques conduisent à renforcer le processus ; ainsi en va-t-il de l’IRA aux Etats-Unis.

L’intérêt pratique de cette thématique est l’émergence de paniers et de trackers incluant des valeurs gagnantes du reshoring.