5 questions à un gérant – Xavier Nicolas

Après 30 années de baisses de taux et 2 années de remontées, quelle est aujourd’hui la situation du marché obligataire ?

Malgré quelques « événements » contrariants : chute du mur de Berlin, krach obligataire de 1994, guerre du Golfe, explosion de la bulle internet, faillite de Lehman, les taux longs ont connu une décrue quasi ininterrompue de plus de 30 ans entre 1990 et 2020, puis une brutale remontée entre 2021 et 2023 qui aura effacé presque 10 ans de performance. Au cours de ces années, l’endettement croissant des Etats aidant, le marché s’est profondément transformé. Le périmètre s’est largement  élargi : limité en 1990 à la dette d’Etat, la dette bancaire, corporate et privée est venue nourrir le vivier. Les instruments se sont sophistiqués avec l’avènement des marchés de futures, de produits structurés et de produits synthétiques, qui alimentent une industrie toujours plus florissante. Hedge funds, fonds thématiques, fonds indiciels, ETF, fonds total return, fonds datés, chaque année apporte sa cohorte de produits toujours plus innovants.

Toutes ces innovations ne doivent pas faire oublier que la performance d’une obligation repose à long terme avant tout sur son portage et à court et moyen terme sur le mark to market.

Aujourd’hui, après 4 années de « vaches maigres » avec un portage proche de zéro, le marché obligataire a retrouvé ses lettres de noblesse et sa place prépondérante dans un portefeuille d’allocation d’actifs.

High yield, Investment grade, emprunts d’Etats : que choisir ?

Le niveau assez faible et surtout l’inversion de la courbe sur les émetteurs souverains de qualité sont des éléments qui ne jouent pas en faveur des emprunts d’Etat. Le fort rally sur le High Yield et le passage sous 300 pb de l’indice HY nous amènent à préférer les signatures notées BB aux signatures low B.

A ce jour, notre préférence va aux signatures IG notées BBB.

Pourquoi un fonds flexible plutôt qu’un fonds indiciel ou un ETF ?

Comme nous l’avons vu plus haut, la boîte à outils obligataires est extrêmement fournie. Sans utiliser d’effet de levier, de produits synthétiques, il existe toujours une opportunité à travers les différentes typologies d’instruments et de stratégies qui permettent de délivrer de la performance. Par ailleurs, au cours d’une année, il y a entre 2 et 3 mouvements de marché assez facilement prévisibles qui sont source de création d’alpha.

De ce fait, un fonds flexible sera toujours préférable à un ETF ou un fonds indiciel.

A court et moyen terme, quelles sont les perspectives pour la politique monétaire de la Fed et de la BCE ?

Notre scénario central repose sur une conviction  :  la hausse des taux directeurs de forte amplitude que nous venons de connaitre, même si elle a pu surprendre par sa rapidité, est une simple normalisation. Nous ne voyons pas d’excès dans les niveaux atteints, tant sur les Fed Funds à 5.50% que sur le taux refi de la BCE à 4.50%. Le pic a été atteint mais les banquiers centraux vont marquer une pause.

Cependant, nous anticipons une première baisse de 25p de la part de la BCE en juin et une première baisse de la part de la Fed cet automne.

Quelle perspective pour le marché de taux ?

Nous allons bientôt entrer dans une phase de baisse des taux. Nous pensons malgré tout que sur la partie longue de la courbe, compte tenu de son inversion, nous pourrions avoir encore quelques tensions. Les niveaux de 2.50% ; 2.75% ; 3% sur les taux 10 ans allemands sont des marqueurs qui seront mis à profit pour augmenter la duration du portefeuille, et ainsi profiter pleinement de la décrue à venir.