Carnet de voyage

Rupert Kimber, le gérant de notre fonds en actions japonaises Taiko Japan, est rentré récemment d’un voyage au Japon. Voici ses notes.

Le Japon reprend vie

Les entreprises japonaises ne cessent d’améliorer leur position concurrentielle au niveau mondial, ce qui laisse présager une nouvelle croissance des bénéfices et une amélioration des marges et des flux de trésorerie qui devraient continuer d’alimenter les rendements pour les actionnaires.

Automatisation et consolidation de l’industrie

La pénurie de main-d’œuvre entraîne non seulement une automatisation accrue, mais aussi une accélération de la consolidation du secteur, car les entreprises les plus faibles rencontrent des difficultés croissantes.

De plus en plus d’entreprises font des déclarations qui confirment notre thèse sur la consolidation de l’industrie.

Les récents commentaires de la presse sur les hausses de salaires méritent que l’on s’y attarde, non seulement en raison de l’ampleur de ces augmentations, plus de 10 % dans certains cas, mais aussi du fait que la convention historique, impliquant que les entreprises du même secteur accordent généralement des hausses similaires, a été rompue. En effet, Nippon Steel a augmenté les salaires plus fortement que ses concurrents. En outre, certaines grandes entreprises ont proposé un accord salarial plus avantageux que les demandes des syndicats.

La concurrence sur le marché de l’embauche s’observe particulièrement au niveau des jeunes diplômés, pour lesquels les salaires de départ ont augmenté de plus de 15 %, après une hausse similaire l’année dernière.

Etrangement, nous n’avons pas encore vu les augmentations de salaires dans le secteur public – un employeur pourtant important. Celles-ci sont normalement prévues pour la nouvelle année, qui commence en avril.

Les petites entreprises n’ont, quant à elles, pas les moyens d’augmenter les salaires comme le font les grandes entreprises. Certains évoquent dans la presse la possibilité d’imposer aux grandes entreprises de mettre en place des contrats commerciaux plus avantageux pour les petites sociétés avec lesquelles elles travaillent, de manière à leur permettre d’augmenter à leur tour les salaires de leur personnel de manière suffisante. Cela apparaît comme une condition indispensable à leur rétention et à leur capacité de réaliser des gains de productivité grâce à des investissements technologiques.

Les entreprises et le gouvernement ont l’intention d’augmenter le nombre de travailleurs étrangers. Lors de ma visite dans l’industrie de la coquille Saint-Jacques, les usines de transformation étaient entièrement occupées par des femmes indonésiennes et vietnamiennes.

L’une des principales conclusions est que les grandes entreprises vont continuer à mettre l’accent sur les gains de productivité et pourraient ainsi combler l’écart avec les entreprises américaines et européennes, en investissant massivement dans la technologie.

Une activité économique domestique forte

L’activité économique intérieure est soutenue, compte tenu des investissements importants liés à la construction de nouvelles usines dans des secteurs tels que les semi-conducteurs. Ces nouvelles usines nécessitent des chaînes d’approvisionnement élargies. Leur construction a donc un effet multiplicateur, qui devrait s’étendre sur plusieurs années.

La tendance à se retirer de la Chine se poursuit, les grands constructeurs automobiles cherchant à réduire leur présence actuelle d’environ 30 %. Certains chefs d’entreprise que j’ai rencontrés se sont efforcés de souligner qu’ils n’avaient aucune exposition à la Chine, et en semblaient très soulagés.

Le tourisme est très fort. Les chiffres de février sont en hausse de 8% par rapport à février 2019, au point que les touristes n’auront pas accès à certains quartiers de Kyoto à partir d’avril. La faiblesse du yen rend le Japon absurdement bon marché et Londres ridiculement chère en comparaison – sans parler de Genève ou de New York !

Il existe toujours un fossé évident entre Tokyo et les autres villes en termes de consommation domestique et, après m’être rendu dans certaines villes éloignées pour visiter des entreprises, les niveaux de consommation élevés de Tokyo semblent très éloignés de ceux des petites villes du nord de l’île d’Hokkaido.

Les prix des terrains augmentent fortement dans certaines régions, ce qui alimente la consommation haut de gamme, d’autant plus que la faiblesse du yen décourage les voyages à l’étranger.

Taux d’intérêt / Yen

La BOJ a pris des mesures mineures pour supprimer le YCC, mais il ne s’agit pas encore de la fin définitive des taux d’intérêt zéro.

Comme nous l’avons évoqué il y a quelques semaines, le yen a repris sa tendance baissière et nous continuons de penser que 155-160 yens pour un dollar est un taux de change possible sans un assouplissement significatif – improbable, selon nous – de la part de la Fed.

Même à un niveau de 150 JPY/USD, les fabricants japonais seront étonnamment rentables, d’autant plus que les coûts sous-jacents des intrants importés sont en baisse, de sorte qu’un yen légèrement plus faible et la pression des coûts importés peuvent être pris en compte sans peser sur les marges.

C’est de mauvais augure pour les concurrents européens.

Les États-Unis restent très protectionnistes et M. Biden semble avoir fait échouer le projet d’acquisition de US Steel par Nippon Steel.

Il sera intéressant de voir comment cela affectera les grandes fusions-acquisitions à l’étranger prévues par les entreprises japonaises. Les milliardaires asiatiques sont à Tokyo, à la recherche d’opportunités, en partie attirés par la faiblesse du yen.

Quelques points sur le marché boursier

L’intérêt des investisseurs étrangers, notamment asiatiques, reste très élevé.

Les investisseurs domestiques nationaux se réengagent rapidement, car ils recherchent des rendements plus élevés que des liquidités sans rendement, pour compenser l’inflation.

Les entreprises réduisent leurs participations croisées, mais il y a des acheteurs.

La Bourse de Tokyo continue d’accroître la pression sur la gouvernance d’entreprise et les activistes continuent de traquer les entreprises mal gérées.

De nouveaux MBO et de nouvelles fusions sont probables.