Géopolitique en 2024 – Une année de transition avant un possible choc en 2025

Avant toute chose, précisons que beaucoup peut changer avec l’éventuelle élection de Donald Trump le 5 novembre prochain. Mais les effets de son élection n’auront lieu qu’en 2025 (prise de fonction le 20 janvier de cette année).

Regardons maintenant les dossiers géopolitiques les plus « chauds » qui vont continuer de nous accompagner cette année.

Enlisement en Ukraine

Concernant la guerre d’Ukraine, 2 ans après l’invasion, c’est encore l’hypothèse d’un conflit long sans vainqueur ni vaincu qui domine pour cette année, après un échec de l’offensive russe, suivie d’un échec de la contre-offensive ukrainienne. Une sorte de scénario « à la coréenne » qui se confirme (sur le plan militaire).

Poutine ne peut pas revenir en arrière, sauf à saper son autorité sur la machine militaro-policière de son pays et il n’y a pas de régulateurs internes (opinion publique, médias, oligarques, …) de nature à le faire changer d’avis.

Poutine sait aussi que les régimes autoritaires survivent rarement à des défaites militaires, sauf fuite en avant (El Assad en Syrie). Mais plus fondamentalement, Poutine pense que le temps joue pour lui. Assurément, il escompte le retour de Trump en novembre 2024.

Le gouvernement d’Ukraine refuse toujours le concept d’une paix à tout prix. Cela étant, on note une fissuration de « l’union sacrée » autour de Zelensky et l’apparition d’une certaine fatigue au sein de la population au sujet de la guerre.

En réalité, ce qui va compter le plus cette année est l’ampleur du soutien de l’opinion publique occidentale à l’égard de l’Ukraine.  Aux Etats-Unis, la polarisation Républicains / Démocrates sur cette guerrew constitue un vrai risque existentiel pour l’Ukraine.

De son côté, la population européenne perçoit un enlisement du conflit et le soutien pour la livraison d’armes à l’Ukraine s’étiole.

Quid de Taïwan ?

Le 13 janvier dernier a finalement offert une assez nette victoire au candidat du parti au pouvoir à Taïwan (DPP), parti a priori le plus éloigné de la République Populaire de Chine (RPC).

Lai Ching-te a en effet remporté largement la présidentielle, avec environ 40% des votes, et près de 7 points d’avance sur le second, Hou Yu-ih, le candidat du Kuomintang, soit un résultat assez sensiblement au-dessus des derniers sondages.

Selon nous, c’est le statu quo qui va prédominer cette année. D’une part, les divergences sur l’attitude à l’égard de la Chine (ainsi que sur la défense) s’étaient estompées ces dernières années entre les principaux partis. Aucun des 3 candidats ne plaidait ainsi pour l’indépendance ou bien pour l’unification avec la Chine. D’autre part, l’absence de majorité législative freinera quelque peu les velléités de tensions avec la RPC. Sur un total de 113 (majorité à 57 sièges), le DPP a recueilli 51 sièges au Parlement, soit un recul significatif par rapport aux 64 sièges qu’il détenait précédemment. Pour finir, c’est Han Kuo-yu, le candidat présenté par le Kuomintang (KMT), plus favorable à un rapprochement avec la Chine, qui a été élu Président du Parlement avec 54 voix, contre 51 pour le candidat du DPP de M. Lai.

Ici aussi, il faudra attendre l’élection américaine du 5 novembre pour voir si des évolutions de la diplomatie américaine sont susceptibles d’apporter des modifications substantielles à la situation actuelle. Car il est clair que Taïwan continuera d’avoir besoin de la protection américaine.

Gaza

Quant aux événements de Gaza, il n’y aura pas d’impact macro tant que l’Iran (seul producteur majeur de pétrole potentiellement impliqué en l’état) ne sera pas directement impliqué.

Cela étant, la situation entraîne des répercussions indirectes via les tensions en mer Rouge (alimentées par les rebelles Houtis du Yémen) qui se répercutent sur les prix du transport maritime et accroissent les délais de livraison, tout particulièrement sur les routes maritimes Asie-Europe.

En l’état actuel, nous sommes cependant loin des tensions de 2021-22 sur les chaines de production. En effet,

  • Les stocks de produits manufacturés sont plus abondants
  • Les capacités en termes de cargos sont plus fortes
  • On n’observe pas d’explosion de la demande de biens manufacturés comme en 2020-21
  • En 2020-21, les normes sanitaires avaient renforcé les contraintes
  • Il y a des excès de capacités (Chine, Europe) contrairement à 2021-22

En cas de persistance des tensions, il y aura néanmoins un effet (de quelques pb) sur l’inflation occidentale.

Elargissement des BRICS

De façon plus générale, beaucoup d’observateurs ont pu noter que l’élargissement des BRICS en 2023 (11 membres désormais, soit 45% de la population mondiale) pouvait conduire à une nouvelle étape dans la structuration du Sud global, de nature à favoriser une compartimentation du monde et une source d’hostilité à l’Occident.

Cela nous semble bien excessif.

Tout d’abord, il s’agit d’un élargissement et non pas un approfondissement, qui reste une gageure au vu de l’hétérogénéité des membres. Il n’y a en effet au sein de cette structure pas d’alliance ni économique ni militaire. Il n’y a en outre ni structure permanente, ni marché commun, ni norme commune. Leurs systèmes politiques sont, par ailleurs, très différents et les différences idéologiques marquées.

Ajoutons que les relations ne sont pas bonnes entre les 2 acteurs majeurs des BRICs, la Chine et l’Inde (rapprochement entre la Chine et le Pakistan, initiative des routes de la soie dont l’Inde a été le plus virulent opposant, regain de tensions dans les zones frontalières).

Il ne s’agit donc pas pour nous d’un retour à la guerre froide. L’idée de cet élargissement, du point de vue économique, est de peser davantage dans la réforme du système multilatéral actuel, dominé par les Occidentaux et de favoriser une dédollarisation du monde.

D’un point de vue géopolitique, il s’agit de créer une plateforme anti-américaine pour servir les priorités géostratégiques de la Chine et de la Russie.

Conclusion

Au total, la géopolitique ne devrait pas affecter sensiblement les marchés cette année. 2025 pourrait en revanche être beaucoup plus compliquée.