Investir dans les petites et micro-capitalisations – cas pratiques

Au cours des 20 années d’existence du fonds Quaero Capital Funds (Lux) – Argonaut, nous sommes restés fidèles à notre philosophie d’investissement et à notre approche fondamentale/value qui consiste à investir dans de bonnes sociétés à des prix intéressants. Notre processus d’investissement est basé sur la recherche primaire, qui est nécessaire pour investir dans des sociétés plus petites, qui communiquent peu et dont la couverture par les brokers est limitée. Au fil du temps, nous développons une connaissance approfondie des entreprises dans lesquelles nous investissons.

Engagement constructif – ou comment créer de la valeur

Depuis le lancement du Fonds, nous entretenons des relations étroites avec les dirigeants des entreprises qui nous demandent souvent des conseils sur la manière de mieux communiquer avec le marché boursier et la communauté des investisseurs. Ce qui a changé/évolué au fil des ans, au fur et à mesure que le Fonds prenait de l’ampleur, c’est que nous détenons maintenant souvent 5 à 10 % des sociétés, ce qui nous donne un droit de regard encore plus grand sur l’entreprise. L’engagement positif avec la direction – action que nous appelons « encourager les meilleures pratiques » – a donné au Fonds un moteur supplémentaire de création de valeur.

Voici deux exemples de notre engagement:

Nous avons mené des discussions continues avec la direction du mini-conglomérat industriel français Groupe Gorgé au sujet de la rationalisation de ses activités et de la concentration sur leur cœur de métier. Après des ventes d’actifs, des scissions et des acquisitions, l’entreprise a changé de nom et s’appelle désormais Exail Technologies. Elle occupe une position forte dans le créneau de la technologie des drones sous-marins pour la neutralisation des mines sous-marines, avec une intégration verticale dans la production de systèmes de navigation inertielle. L’entreprise est désormais bien positionnée pour remporter de très gros contrats en Australie et en Europe, notamment avec les marines qui seront chargées de nettoyer la mer Noire des mines dérivantes. Les marges sont élevées et la croissance est assurée par un carnet de commandes bien rempli (plusieurs années de ventes).

Depuis plus de deux ans, nous avons encouragé deux entreprises suisses (Starrag et Tornos), fabriquant des machines-outils de haute précision, à rechercher des synergies et une masse critique par le biais d’une fusion. La logique était que, dans ces entreprises de machines-outils, des marges très élevées sont réalisées dans les services après-vente et les activités de maintenance. Cependant, ces opérateurs de niche vendent leurs machines dans le monde entier et sont trop petits pour avoir des centres de maintenance partout. En se regroupant, ils disposeraient de centres de maintenance capables de couvrir une plus grande partie de leurs marchés à travers le monde. En outre, nous avons estimé que, du point de vue du marché boursier, deux micro-capitalisations deviendraient une seule petite capitalisation et attireraient davantage l’attention des investisseurs. Lors de nos discussions avec la direction, nous avons eu l’impression que, même si elle n’était pas immédiatement réceptive, elle voyait aussi la logique. D’autres réunions et encouragements ont suivi et, en mai de l’année dernière, l’annonce a été faite que les deux sociétés étudiaient la possibilité d’une fusion. La fusion est devenue effective en décembre, la présentation de l’entreprise la qualifiant de « mariage parfait » avec des gammes de produits complémentaires (machines de tournage et de fraisage de différentes tailles), des industries clientes (aérospatiale, technologie médicale, horlogerie…) et des zones géographiques générant des synergies substantielles en termes de croissance et de marge. Nous pensons que le nouveau groupe StarragTornos est désormais beaucoup plus attractif que ses composantes.

Des décotes de valorisation dans le bas du marché

Il n’y a pas si longtemps, les petites entreprises se négociaient à des prix supérieurs à ceux des grandes sociétés en raison de leur profil de croissance plus élevé. Les petites entreprises cotées en bourse se négociaient également à des valorisations supérieures à celles de leurs homologues rachetées par des fonds de private equity. Le marché des petites et micro-capitalisations n’ayant plus la cote, les décotes et les erreurs d’évaluation sont légion.

Deux exemples à suivre de près…

Lorsque nous avons investi dans l’entreprise de construction néerlandaise Heijmans, celle-ci enregistrait des pertes sur ses activités d’infrastructure (en raison d’un mauvais processus d’appel d’offres), son bilan avait besoin d’être redressé et le marché craignait une émission d’actions dilutive. Nous avons encouragé la direction à rechercher d’autres sources de capitaux et elle a vendu ses filiales rentables en Allemagne et en Belgique pour se concentrer sur le marché national, où elle est bien implantée. L’entreprise a maintenant retrouvé un niveau de rentabilité élevé et son bilan a été tellement redressé que la direction a pu procéder l’année dernière à une importante acquisition stratégique dans son activité principale aux Pays-Bas, tout en continuant à distribuer 40 % de ses bénéfices sous forme de dividendes. Manifestement, le marché n’en a pas encore pris conscience, puisque l’action se négocie avec un ratio PE de 5x et un rendement de dividende récurrent de 8%.

Nous n’avons pas tendance à investir dans des IPO, car elles sont généralement présentées au marché à des valorisations élevées par des investisseurs privés en quête de profits. Ces introductions en bourse ont souvent lieu juste après quelques années de bonne rentabilité et de croissance, et les brokers ont tendance à projeter un scénario optimiste pour de nombreuses années. Toutefois, nous examinons les « IPO ratées » lorsque les attentes élevées n’ont pas été satisfaites et que les actions ont chuté brutalement. Si les bilans sont solides et que le modèle d’affaires est sain, ces titres qui ont perdu parfois jusque 60-70 % peuvent constituer un bon investissement. Le détaillant allemand de lunettes en ligne Mister Spex est arrivé sur le marché avec beaucoup d’enthousiasme en 2021, alors que les ventes en ligne étaient fortes et que l’entreprise avait un projet ambitieux de déploiement de magasins physiques dans toute l’Europe. À l’époque, les investisseurs ne semblaient pas s’inquiéter du fait que l’entreprise perdait de l’argent depuis 10 ans. Le private equity était encore à la mode et la croissance était plus importante que la rentabilité. Cependant, le vent a tourné, l’entreprise a déçu et les investisseurs sont devenus moins indulgents à l’égard d’une mentalité de start-up impliquant une longue période de montée en puissance déficitaire – même si l’entreprise investissait pour gagner des parts de marché dans des magasins physiques, afin de refléter sa part de marché en ligne. Nous avons commencé à investir alors que l’action avait déjà chuté de 80 %. Nous avons été attirés par deux choses : (1) la société avait levé des fonds lors de l’introduction en bourse, fonds qui couvrent désormais la totalité de la capitalisation boursière (réduite). L’activité opérationnelle était donc gratuite. Cela ne pouvait se justifier que si l’entreprise continuait à perdre de l’argent et consommait toutes les liquidités. (2) Une réunion avec le PDG en Allemagne nous a permis de comprendre qu’il allait changer complètement de stratégie en limitant la consommation de liquidités et en se concentrant sur l’atteinte du seuil de rentabilité des flux de trésorerie d’ici à la fin de 2024. La direction estime que la trésorerie nette à la fin de l’année dernière était d’environ 105 millions d’euros, ce qui correspond exactement à la capitalisation boursière actuelle. Si la société atteint un flux de trésorerie positif d’ici la fin de l’année, nous aurons acheté l’activité opérationnelle gratuitement !