L’attractivité des obligations convertibles dans un contexte de taux d’intérêt élevés

Interview d’Eric Daniel, gérant de la stratégie en obligations convertibles, par Thierry Callault, responsable du développement commercial.

Quels sont les impacts du contexte géopolitique et de la forte remontée des taux d’intérêt sur les obligations convertibles ?

En trois ans, le monde a connu une pandémie mondiale, une guerre entre la Russie et l’Ukraine et aujourd’hui un conflit armé au Moyen-Orient entre Israël et le Hamas. Dans ce contexte géopolitique incertain et effrayant, les banques centrales (FED et BCE) ont entamé un cycle de remontée des taux d’intérêt rapide et d’une ampleur significative afin de lutter contre l’inflation et de mettre un terme aux années de politique monétaire accommodante. Si les événements géopolitiques ont eu un impact négatif sur la performance et la volatilité des marchés actions, le changement de paradigme des banques centrales a créé des conditions très défavorables pour les obligations convertibles en 2022 notamment. En effet, la remontée des taux d’intérêt, l’élargissement des spreads de crédit, la baisse des marchés actions, ainsi qu’une faible hausse de la volatilité des actions ont tous joué en défaveur de la classe d’actifs et cette absence de décorrélation a fait de 2022 l’une des pires années pour les obligations convertibles.

Cependant, malgré ce contexte, de nombreux signes indiquent qu’il parait opportun de s’y intéresser de nouveau dans le cadre d’un portefeuille d’allocation global.

Ces changements peuvent-ils créer des conditions favorables aux obligations convertibles ?

Il est important de noter qu’historiquement, les obligations convertibles performent positivement dans un environnement de taux d’intérêt élevés. De plus, comme pendant la période 1998-2001, les cycles de remontée des taux courts génèrent une hausse de la volatilité actions, ce qui soutient les valorisations. Cette classe d’actifs est l’un des rares produits financiers qui permettent aux investisseurs d’acheter de la volatilité actions longue (en général à 5 ans) à des niveaux attractifs. L’écartement des spreads de crédit depuis l’année dernière constitue un point d’entrée intéressant et pourrait générer à l’avenir un complément de performance à la composante action de l’obligation convertible. La fin de la période de taux d’intérêt à zéro, voire négatifs, a permis aussi de retrouver un rendement et des coupons positifs, ce qui crée une situation où l’investisseur est « payé » pour attendre !

Enfin, la convexité naturelle des obligations convertibles en fait une solution particulièrement intéressante dans le contexte géopolitique incertain que nous connaissons. Elle permet en effet de se positionner sur le marché actions avec un budget risque/volatilité inférieur à un investissement direct en actions. Les obligations convertibles peuvent ainsi être considérées par certains comme une position « actions défensives ».

Pourquoi le marché primaire des obligations convertibles va jouer un rôle important au cours des prochaines années ?

Les investisseurs ont intégré le fait que la lutte contre l’inflation implique que les taux d’intérêt seront maintenus à des niveaux élevés pendant une longue période.

Pour les sociétés, l’intérêt d’émettre une obligation convertible est multiple. De fait, émettre une obligation convertible de maturité 5 ans revient pour l’entreprise à effectuer une augmentation de capital différée dans le temps (5 ans) et à un prix correspondant au prix actuel de l’action augmenté d’une prime. Cela permet à l’entreprise de monétiser la volatilité de son action et surtout de faire des économies de frais financiers grâce à un coupon inférieur à une obligation classique.

Les entreprises, qui avaient bénéficié par le passé de la possibilité de se refinancer à des taux extrêmement attractifs voire zéro, vont devoir faire face à un mur de refinancement à partir de 2024. Il est donc évident que le marché primaire des obligations convertibles va bénéficier du refinancement des USD 784 milliards de dettes attendus jusqu’en 2026. Déjà, l’année 2023 est bien meilleure que 2022, et surtout les conditions et le pricing des nouvelles émissions se sont ajustés au nouvel environnement et présentent majoritairement un prix d’émission inférieur à sa valeur théorique.

Comment les investisseurs peuvent-ils intégrer les obligations convertibles dans leurs portefeuilles d’allocation ?

Intégrer un investissement en obligations convertibles présente de nombreux avantages pour les investisseurs. Tout d’abord, leur convexité permet d’améliorer le profil risque-rendement d’un portefeuille global. Par ailleurs, les conditions financières actuelles créent un point d’entrée qui permet de bénéficier d’une future détente sur les taux d’intérêt, d’un potentiel resserrement des spreads de crédit des entreprises émettrices, d’une remontée des marchés ainsi que de la volatilité actions. Tous ces éléments vont augmenter son attractivité. Cette opportunité se fait dans un contexte de pricing décoté par rapport à sa valeur théorique, avec des rendements/coupons qui redeviennent positifs et sans « market timing ».